WIRED va bloquer l'accès aux bloqueurs de publicité et proposer un accès payant

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Certains pensaient que les années à venir seraient celles de la montée en puissance des paywalls. Pas seulement. En effet, la force de l'intérêt pour le modèle publicitaire incite des éditeurs de plus en plus importants à fermer l'accès à leur site pour ceux qui bloquent la publicité.

Alors que la progression des bloqueurs de publicité continue, chaque éditeur gère la chose à sa manière. Ainsi, dans différents pays, on a pu voir diverses initiatives voir le jour. 

Nous avons déjà parlé de Bild qui bloque l'accès à son site et propose une formule payante avec de la publicité limitée. D'autres comme le Washington Post ont décidé de profiter plutôt de l'occasion pour récupérer des adresses emails. C'est d'ailleurs une stratégie à peu près similaire qu'a décidé de suivre en France Le Journal du net qui demande une connexion à ceux qui bloquent la publicité dans certains cas (notamment depuis iOS) :

Journal du Net Adblock Blocage

On notera d'ailleurs que l'intégration n'est pas très aboutie puisque le contenu reste affiché sur la page. Il est donc aisé d'outrepasser le script, ou même d'utiliser le mode lecture intégré au navigateur pour lire le contenu sans encombre lorsque l'on arrive directement sur un article.

En France, ces initiatives sont encore assez timides, à l'exception des sites qui diffusent de la vidéo (replay des chaînes de TV, Dailymotion, etc.). De son côté, l'IAB en est encore à décider de faire des études. Nos grands éditeurs ne sont pas non plus forcément connus pour leur réactivité et leur réaction face aux bloqueurs est encore source de divergences. Ainsi, certains préfèrent pour le moment continuer à compter sur l'audience, même non monétisée, pour asseoir leur position en attendant des jours meilleurs, alors que d'autres commencent à perdre patience.

Le GESTE a néanmoins annoncé à la mi-décembre qu'une réponse commune serait apportée sous peu, avec un blocage de l'accès aux utilisateurs des bloqueurs. Chaque site restera néanmoins libre du message diffusé à ses lecteurs et de l'intégration de ce blocage (dès la première visite, après plusieurs, etc.).

Pour le moment, aucune date définitive ne semble fixée, mais l'objectif serait de mettre cela en place avant la fin du premier trimestre. Reste à voir la réponse des utilisateurs et ce que constateront les éditeurs : déblocage et monétisation supplémentaire de leurs inventaires, ou perte d'audience ?

La question est surtout de savoir si leurs pratiques, qui ont poussé les utilisateurs à installer des bloqueurs, vont aussi être revues pour l'occasion. Car si le but est d'envoyer les lecteurs sur des pages comprenant des dizaines de trackers, des publicités et des pop-up de newsletter à ne plus savoir qu'en faire et autres vidéos en lecture automatique, nul doute que la situation n'évoluera pas d'un poil.

Et le monde de la publicité a fait son mea culpa, sans que l'on puisse réellement en voir les effets pour le moment. Ce secteur a surtout besoin de se repenser, face à une offre publicitaire qui tient désormais plus de la pollution que du financement équitable de la presse.

Une chose est sûre, pour le moment, le but des éditeurs est surtout de retrouver un levier pour disposer de plus d'inventaire publicitaire afin de financer leurs sites. Car si tout le monde sait très bien, notamment dans les grands groupes, comment faire payer les annonceurs pour du contenu, il apparaît comme plus complexe de demander aux lecteurs de mettre la main à la poche, surtout si un modèle payant venait à se généraliser.

Beaucoup préfèrent ainsi continuer à miser sur une très large audience tout en cherchant à améliorer sa monétisation via la publicité, plutôt que de proposer du contenu payant, certes moins capable de drainer des audiences folles, mais méritant le paiement d'un abonnement.

De son côté, WIRED vient d'annoncer qu'il allait proposer un modèle payant sans publicité. Une solution déjà mise en place sur un autre site du groupe Condé Nast depuis des années : Ars Technica. Un peu à la manière de ce que nous avions mis en place en 2009, celui-ci propose pour 5 dollars par mois (ou 50 dollars par an), d'accéder au site sans aucune publicité, avec des services supplémentaires.

Mais cela ouvre aussi à des réductions chez des partenaires (dont WIRED), à une section dédiée du forum, et à des contenus exclusifs, notamment concernant le travail de l'équipe. 

Chez WIRED, l'approche sera néanmoins un peu moins communautaire et plus en réponse au blocage de la publicité constaté par l'équipe, qui s'en explique dans un billet détaillé : « En moyenne, plus de 20 % du trafic vers wired.comwired.com vient d'un lecteur qui bloque nos publicités. Nous savons que vous venez sur notre site principalement pour lire notre contenu, mais il est important d'être clair sur le fait que la publicité est le moyen nous permettant de faire fonctionner WIRED : payer les auteurs, journalistes, designers, ingénieurs, et tout le reste de l'équipe qui travaille si dur afin de créer les histoires que vous regardez et lisez ici ».

Le site semble néanmoins lucide sur les raisons qui poussent au blocage, comme nombre d'éditeurs avec qui nous pouvons discuter, même si certains préfèrent pour le moment encore penser que l'on ne peut rien faire contre les dérives du modèle publicitaire, que ce soit sur la qualité du contenu ou les données.

Ainsi, vous rendre actuellement sur la page d'accueil de wired.comwired.com en navigation privée vous permettra de constater qu'une trentaine de trackers sont en place, et que 42 cookies sont déposés par le site. 94 par des tiers.

« Nous savons qu'il y a de nombreuses raisons d'utiliser un bloqueur de publicités, de la volonté d'avoir une expérience de navigation plus rapide et plus propre, aux considérations sur la sécurité et le tracking » précise le site, qui semble comprendre que l'on ne peut pas traiter au quotidien de la sécurité des données, de la vie privée et de « l'espionnage » des plateformes, tout en étant acteur de ce problème, sans proposer la moindre alternative.

Mais là encore, ce n'est pas la mise en place de contenu exclusif qui sera utilisé comme levier pour le financement. Ainsi, WIRED indique que l'accès aux articles sera bloqué pour ceux qui utilisent un bloqueur de publicités. Ils auront alors deux solutions pour soutenir le site et son travail : l'ajouter en liste blanche et garder un accès gratuit contre l'affichage de la publicité : « Nous garderons nos publicités aussi respectables que nous le pourrons, et vous ne verrez que des publicités display classique ». L'autre possibilité sera donc d'opter pour une solution payante, sans publicité et sans tracking publicitaire à 1 dollar par semaine. 

« Chez WIRED, nous pensons que ce changement est bon. Pendant les 23 dernières années, nous avons repoussé les frontières des médias, de notre magazine papier au lancement de notre premier site web. Nous avons même inventé la bannière publicitaire. Nous allons continuer d'expérimenter de nouvelles manières d'expérimenter des manières de vous fournir les histoires que vous aimes tout en construisant un business sain, qui soutient ce travail » conclu l'équipe.

Reste à voir là encore comment cela sera mis en place dans la pratique et quel sera le résultat à plus long terme. Notamment concernant l'audience face à la décision de bloquer l'accès au site à près de 20 % des lecteurs.

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