Dr Eli Ben-tura, Ambassadeur d'Israël au Sénégal

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L'OBS – «Le Sénégal donne un très bon exemple d'Islam ouvert et tolérant complètement contraire de toutes les images véhiculées en Occident»

«La tolérance et l'ouverture peuvent faire du Sénégal un exemple dans le monde»

«J'ai constaté qu'au Sénégal la religion joue un rôle très important»

«J'ai été désolé des attaques de certains Imams sénégalais contre moi»

«Des Imams sénégalais ont découvert que le tableau sombre qu'on peint d'Israël n'est pas vrai»

«Mon séjour nous a permis de renforcer plus les relations entre le Sénégal et l'Israël»

 

En fin de séjour au Sénégal, après quatre années de bons et loyaux services, Dr Eli Ben-Tura, Ambassadeur d'Israël au Sénégal, dit quitter le pays de la «Téranga» avec beaucoup de leçons apprises. Ce qu'il retient du Sénégal, c'est un pays de tolérance et d'ouverture religieuse. Un Sénégal qui donne un très bon exemple de l'Islam complètement contraire de toutes les images de l'Islam véhiculées en Occident. Dans cet entretien accordé à L'Observateur, Son Excellence est largement revenu sur le bilan de son séjour qui lui a permis de renforcer davantage les relations entre Dakar et Jérusalem. Il a également passé en revu le conflit israëlo-palestinien, non sans se désoler des attaques dont il avait été victime après avoir reçu certains Imams sénégalais. Seul point noir de son séjour au Sénégal.

Votre séjour, en tant qu'ambassadeur d'Israël au Sénégal, vient de s'achever. Quel bilan tirez-vous de ce séjour ?

J'ai fait quatre (4) ans au Sénégal. Pendant ces quatre ans, j'avais trois axes pour dérouler ma mission. Tout ce temps de séjour nous a permis de renforcer les relations entre le Sénégal et l'Israël. Pour le premier axe qui est celui du développement et qui cadre avec le Plan Sénégal émergent (Pse), nous avons mis l'accent sur l'agriculture. Nous avons collaboré avec les Italiens dans le cadre d'un programme trilatéral où 70 villages sont ciblés dans les régions de Thiès, Diourbel et Fatick. En plus, il y a un centre de formation que nous avons établi à Bambey où sont formés des fermiers. Nous avons aussi travaillé dans le domaine des énergies renouvelables. Il y a, chaque année, plusieurs Sénégalais qui vont en Israël pour bénéficier de la formation sur les énergies renouvelables. Nous avons également développé des formations sur le renforcement des capacités des femmes dans le business, en collaboration avec Onu-Femme. Il y a des résultats magnifiques dans ce domaine. Le deuxième axe sur le quel nous avons travaillé au Sénégal concerne le dialogue interreligieux. Et là, j'ai constaté qu'au Sénégal, la religion joue un rôle très important. C'est un pays laïc, mais la religion a une part importante. Nous avons initié plusieurs activités pour le rapprochement dans le dialogue interreligieux. Il y a des Imams et des représentants des confréries religieuses du Sénégal qui sont partis en Israël. Durant mon séjour, j'ai rencontré tous les guides des différentes confréries. Mes relations avec eux sont magnifiques. Nous avons travaillé à apporter un soutien aux plus démunis. Le troisième axe dans lequel j'ai travaillé, c'est celui de la culture. Je dis toujours que la culture est le corps de l'esprit. Chaque année, nous initions des activités de danse, de peinture et de musique. Il y a une collaboration entre artistes sénégalais et israéliens. J'ai même fait voyager des artistes sénégalais en Israël. Ce qui n'est pas mon rôle. Ça doit être le rôle de l'ambassade du Sénégal en Israël. Mais, il n'y a pas d'ambassade du Sénégal en Israël.

Que retenez-vous principalement de ce pays ?

Ce qui m'a le plus marqué au Sénégal, c'est la tolérance et l'ouverture. Ce sont des choses qui peuvent faire du Sénégal un exemple dans le monde. Aujourd'hui, nous sommes dans un monde très conflictuel et agressif. Ces valeurs dont dispose le Sénégal peuvent beaucoup aider dans la résolution des problèmes. Je n'ai jamais vu, malgré les différentes ethnies et religions au Sénégal, quelque problème que ce soit. Ça n'a jamais causé de problème. Et, c'est quelque chose de formidable. Le Sénégal peut être un exemple de raffermissement des liens dans le monde. S'il y a une chose que je vais amener avec moi, c'est cette tolérance et l'ouverture des Sénégalais. Des gens pensent que l'Islam n'est pas une religion tolérante et qu'elle est agressive. Mais, le Sénégal qui est en majorité constitué de Musulmans, donne un très bon exemple d'Islam ouvert et tolérant. Un Islam qui est complètement le contraire de  toutes les images que les gens ont dans leurs têtes  en Occident.

Vous pensez que l'Israël et la Palestine peuvent tirer profit de cet exemple de tolérance et d'ouverture du Sénégal ?

D'abord le conflit entre l'Israël et la Palestine n'est pas religieux. Il est politique. Bien sûr que la religion y intervient. Ça, c'est quelque chose d'important à rappeler. Le fait que le Sénégal soit un pays de tolérance où différentes ethnies et religions peuvent vivre ensemble sans aucun problème peut servir d'exemple dans plusieurs domaines.

Vous avez parlé d'un dialogue interreligieux qui est une réalité au Sénégal. Si on revient un peu sur le passé, vous avez eu à inviter des Imams sénégalais en Israël. Mais, la lettre de félicitation qu'ils vous avaient adressée a suscité beaucoup de polémiques dans des milieux religieux, créant même la division au sein des Imams. Comment avez-vous vécu cet épisode ?

Vous savez, dans la vie, il y a toujours des personnes qui s'opposent aux choses et qui sont guidées par des stéréotypes, par la haine ou par autre chose. J'en suis désolé. La visite des Imams en Israël avait une importance capitale. Elle a permis de montrer que les images que l'on voit à la télévision ou qui arrivent aux médias sont déformées. Et souvent, Israël est diabolisé. Ces Imams ont pu constater de visu la réalité du conflit Israélo-palestinien. Ils ont vu que beaucoup de choses racontées ne sont pas vraies. Ils ont vu qu'il y a la coopération entre les deux peuples. Ils ont vu des Palestiniens qui sont dans des hôpitaux israéliens et des Arabes qui sont dans le Parlement israélien. Ces Imams ont entendu des Arabes dire même s'il y a une paix en Palestine, ils préfèrent rester en Israël. Cela, parce qu'en Israël, disent-ils, il y a la liberté. Les Imams sénégalais ont échangé avec des Israéliens et des Palestiniens. Ce n'était pas une visite guidée ou contrôlée. Ils ont vu que le tableau sombre qu'on a l'habitude de peindre d'Israël n'est pas vrai. Et que ce n'est pas qu'Israël est mauvais et que la Palestine est bonne. Bien sûr que ceux qui soutiennent la Palestine et qui veulent dénigrer Israël ne veulent pas ça. Ils se sont mis à nous attaquer. Je suis désolé de cela.

Quels conseils donneriez-vous à votre successeur pour qu'il réussisse sa mission au Sénégal ?

C'est trop difficile de se prononcer sur cette question. Vous savez, chacun a sa personnalité. En général, quand on vous nomme ambassadeur, avant de partir, on vous dit : votre mission est de rapprocher le Sénégal et Israël. Comment vous allez y parvenir ? Là, chacun a son style et sa façon de voir les choses pour réussir sa mission. Je ne peux pas parler au nom ou à la place de mon successeur. Mais, je crois que la coopération agricole entre le Sénégal et Israël va continuer. Car, c'est un programme signé. C'est formel. Pour ce qui est du dialogue interreligieux, ça dépendra du style de mon successeur. Moi, j'ai établi des relations avec des guides religieux qui dépassent les rencontres officielles. Nos relations sont devenues plus amicales et plus personnelles avec des discussions religieuses sérieuses. Il va savoir que la religion musulmane et la religion juive ne sont pas trop différentes. Les coutumes et les valeurs sont très proches. C'est ce qui a fait que ça n'a pas été difficile pour moi de m'intégrer au Sénégal. J'espère que mon successeur va continuer de faire ce que j'ai fait au Sénégal.

Le Président Macky Sall a mis en œuvre le Plan Sénégal émergent (Pse) dont l'agriculture constitue le point focal pour sa réussite. Qu'est-ce que Israël est en train de faire pour accompagner cette vision du chef de l'Etat ?

 Nous avons établi à Bambey un centre de formation. Il y aura des experts en l'agriculture qui vont y intervenir. Au mois de Juillet prochain, il y aura un expert qui va venir pour former des fermiers sénégalais. Nous avons des projets de maîtrise d'eau au Sénégal avec le système de goutte-à-goutte. Le climat d'Israël et celui du Sénégal sont similaires. Les climats des deux pays sont chauds et secs. Le sable est salé. Les conditions sont similaires. Ce n'est pas trop difficile de faire des transferts de technologies en matière agricole au Sénégal avec une petite adaptation.

Qu'est-ce qu'il faut concrètement au gouvernement de Macky Sall pour permettre au Pse d'atteindre ses objectifs à date échue ?

Il y a des conditions qui doivent permettre la réussite du Pse sur le plan de l'agriculture.

Lesquelles ?

Premièrement, il faut disposer de suffisamment des terres. Ensuite, il doit y avoir une eau en quantité et en qualité. Et enfin, il faut une main-d'œuvre de qualité. Tous ces critères doivent être réunis, en plus des financements.

Les querelles de la classe politiques (pouvoir et opposition), dominant l'actualité, ne vont-elles pas constituer un handicap dans la mise en œuvre du Pse ?

Je ne pense pas. Cela, parce qu'il y a beaucoup d'experts qui sont impliqués dans ce programme. Il y a des experts israéliens, italiens, sénégalais (de l'Isra). Les critères pour la mise en œuvre du Pse sont très clairs et le débat politique ne devrait pas y interférer.

MATHIEU BACALY & BABACAR NDAW FAYE

 

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