Elections de représentativité – Les raisons « centrales » de la compétition

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Après plusieurs mois de campagne, les 14 centrales syndicales vont croiser le fer, ce matin. En attendant les résultats, EnQuête a essayé de jeter un regard sur le rétroviseur, mais aussi trouver les raisons pour lesquelles les leaders se livrent à une bataille sans merci. Subventions, PCA, conseillers, voyages, les avantages ne se comptent plus.

Aujourd'hui 30 mai 2017 est jour de vérité pour les centrales syndicales. Les élections de représentativité qui auront lieu ce matin vont redéfinir le paysage, cinq ans après les premières joutes qui ont eu lieu en 2011. De l'issue de ce scrutin dépendra donc la place des uns et des autres. Est-ce que les 4 voire 5 forces en première ligne vont conserver leur position ? Ou alors de nouvelles têtes vont émerger parmi les 14 centrales en lice ? De toute façon, il faut avoir 10% de l'électorat pour avoir voix au chapitre. Mais dans tous les cas, le vote pourrait ne pas être facile pour les 250 000 électeurs. Car cette campagne ressemble à bien des égards à celles des politiques : une foire d'attaques. Les alliés d'hier deviennent les adversaires d'aujourd'hui. Celui qui jadis était digne de confiance devient subitement infréquentable, parce qu'ayant les mains souillées. Ainsi, à la place des idées et des programmes, on propose des invectives, des accusations et contre-accusations.

Le duel Mademba Sock-Mody Guiro en est une parfaite illustration. On n'aurait jamais imaginé que ces deux-là allaient s'attaquer mutuellement par presse interposée. En effet, au lendemain des élections de 2011, les 4 centrales arrivées premières avaient décidé de mettre sur pied une fédération. Elles ont travaillé en parfaite complicité durant tout le quinquennat. Ce qui leur a permis d'avoir un consensus et une position dominant sur les sujets majeurs. C'est ainsi que tous les 1ers mai, les leaders de ces organisations ont marché ensemble. Au palais, devant le président de la République, ils ont eu pour l'essentiel, le même discours. Ce sont eux également qui ont signé avec le patronat de l'hôtellerie la convention qui a permis de faire passer l'âge de la retraite de 60 à 58 ans dans ce secteur. Même pour la subvention de 300 millions, c'est à la demande des autres centrales syndicales les plus représentatives (Guiro) qu'il a été décidé que les 60% doivent être répartis sur la base de la représentativité, et les 40% sur fonds de solidarité, à parts égales, avec les autres organisations.

Sidiya Ndiaye de la FGTS a été pratiquement le seul à avoir un son de cloche différent. Ce qui lui valait parfois des piques de la part de Mademba Sock, lors des dépôts des cahiers de doléances. Le patron de la FGTS a voulu d'ailleurs mettre un terme à l'hégémonie du Big four ; raison pour laquelle, avec d'autres, il avait mis sur pied le Front syndicalautonome (FSA) qui regroupait 14 centrales au départ et réduit aujourd'hui à 5 organisations, à cause d'une machination du gouvernement, dit-il. Dans tous les cas, cette entité avait pour objectif de faire face au 4 grands, mais aussi au ministre du Travail Mansour Sy, accusé de rouler pour Guiro, Sock et compagnie. Sidiya Ndiaye parlait d'ailleurs d'une bande de copains pour qualifier le ministre et les autres leaders syndicaux.

La réponse de Guiro à Sock

Lors d'une conférence de presse, il a accusé la tutelle d'avoir détourné la subvention de 300 millions au bénéfice de ses amis. Une logique de prédation de ces fonds, savamment planifiée par le ministre, a été privilégiée au profit de la Cnts de Mody Guiro, de l'Unsas de Mademba Sock, de la Csa de Mamadou Diouf et de la Cnts/Fc de Cheikh Diop, pestait-il. Dans une interview accordée à EnQuête, il renchérissait en ces termes : Ce sont ces quatre premières à qui on a remis 300 millions la veille des élections pour nous écraser, nous les bavards. Au vu de tout ce qui précède, on pouvait s'attendre à ce qu'il y ait des attaques contre le leader de la FGTS, mais pas les autres responsables entre eux. Mais c'est plutôt le contraire auquel l'opinion a eu droit.Mademba Sock, deuxième derrière la CNTS, a promis la défaite à Mody Guiro, avant de l'accuser de bénéficier d'un appui conséquent de l'Etat, en tant que syndicat historiquement lié au pouvoir. Mody Guiro reconnaît avoir reçu 115 millions, parce que la CNTS est la centrale la plus représentative. J'ai été la seule organisation à dire publiquement ce qui s'est passé. Combien notre organisation a reçu et comment nous utilisons cet argent. Les autres n'en parlent pas. C'est leur problèmé?, rétorque-t-il sur les ondes de la RFM. Quant ausiège de l'organisation logé à la Bourse du travail, il s'explique, selon le SG-adjoint de la CNTS, Lamine Fall, par le fait que c'est l'Etat qui a pris leur terrain, lequel abrite la mosquée Masaalikul Jinaan.

Les enjeux de pouvoir

Si les protagonistes sont aussi virulents les uns contre les autres, c'est que les enjeux ne sont pas négligeables. Tout ce bruit autour des élections n'est pas gratuit. Il suffit juste de se référer au montant annoncé : 300 millions pour quelques centrales syndicales. Et ce n'est que la moitié, car la subvention à l'origine s'élevait à 600 millions. Le gouvernement a décidé de verser la moitié. Il y a donc de quoi se livrer une bataille à mort. C'est d'ailleurs cette manne qui, au-delà de l'action supposée ou réelle du gouvernement, a fait éclater le bloc dirigé par Sidiya, selon ses propres aveux. C'est la tentation des prébendes après les élections. On voit les 600 millions et on veut avoir sa part du gâteau. Mais ils se rendront compte que ce n'est pas facilé?, lance-t-il.

Outre la subvention, il y a les postes de PCA en jeu dans les institutions sociales. À l'Ipres comme à la Caisse de sécurité sociale, la présidence du conseil d'administration est tournante entre les syndicats et le patronat. Aujourd'hui, Racine Sy est le PCA de l'Ipres et Mody Guiro, le vice-président. Ce même Racine Sy a été le PCA de la CSS où il a été remplacé par Mademba Sock, en 2014. Ce poste ne lui est pas échu immédiatement d'ailleurs, puisque Guiro était aussi un prétendant. Et lorsque la présidence de M. Sy va prendre fin à l'Ipres, ce sera sans doute le secrétaire général de la centrale arrivée première à l'issue des élections qui occupera le poste. Et même ceux qui ne sont pas PCA ou vice-PCA sont dans le Conseil d'Administration, avec les avantagesque cela implique.

À côté de ces postes, il y a les places au Conseil économique social et environnemental, et maintenant, le Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT). D'ailleurs ce même Mademba Sock est au Conseil économique, en plus d'être PCA de l'Agence sénégalaise d'électrification rurale (Aser) depuis plus de 10 ans. Son cas est peut-être connu, mais rien n'indique que les autres ne sont pas des cumulards, au même titre que lui. Car le rapport de forces avec le pouvoir amène ce dernier à leur trouver des postes de sinécure pour limiter leurs ardeurs.

Zéro action d'envergure depuis 2009

A tout cela s'ajoutent les voyages entre autres privilèges. En guise d'exemple, Mody Guiro et Mademba Sock ont été de la délégation du président de la République, lors du voyage de début février 2014 qui l'avait mené en Chine puis au club de Paris, dans la capitale française. C'est le communiqué de la Présidence qui l'avait révélé. Après avoir cité les membres de la délégation tels que certains ministres et les représentants du patronat, la note avait précisé aussi que les secrétaires généraux de la Confédération nationale des travailleurs du Sénégal (CNTS), Mody Guiro, et de l'Union nationale des syndicats autonomes du Sénégal (UNSAS), Mademba Sock, sont également conviés. En dehors de ces voyages avec le pouvoir, il y a ceux découlant des différents partenariats. Il arrive qu'il y ait des missions de coopération ; les gens sont obligés d'y aller. Il peut y avoir des missions comme la Confédération internationale du BIT, une mission où tous les syndicats du monde, les patronats, tous les Etats vont. Il y a des rencontres de partenariat peut-être qui peuvent exister entre le syndicat du Sénégal, la CSA, et le syndicat de la France ou d'autres pays, énumérait Elimane Diouf de la CSA, dans une interview accordée à EnQuête.

Ce n'est pas pour rien si, à peine née, l'organisation générale des travailleurs du Sénégal (OGTS), la centrale dirigée par Mamadou Goudiaby de Dakar dem dikk, déclare se démarquer des centrales à la démarche classique (?) qui se sont embourbées dans une bourgeoisie qui les a fait oublier ceux qui les avaient élus. Selon M. Goudiaby et Cie, l'objectif de ces barons syndicaux, pour ces élections, se situe entre voyages à l'étranger, séminaires, colloques, postes de privilège et festivals, oubliant de fait le suivi des accords signés et les engagements de l'Etat. Une chose est sûre, en dépit de tous ces avantages, les syndicats n'ont pas porté un combat d'envergure durant les cinq dernières années. La dernière initiative date de 2009, avec les négociations sur les prix des denrées. En dehors de cela, ce sont plutôt les syndicats de base qui mènent leur propre combat, nonobstant l'existence de plusieurs revendications communes qui intéressent tous les travailleurs du Sénégal comme les CDD à l'infini, la pension de retraite, le Smig, la convention collective nationale interprofessionnellé

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