C’est une interrogation leÌgitime, qui taraude l’esprit du SaheÌlien que je suis , reÌsidant dans une localiteÌ exposeÌe aÌ€ une menace impreÌvisible donc insaisissable. Il apparaiÌ‚t indeÌniable que le pedigree de l’actuel chef de l’Etat français est formeÌ dans la spheÌ€re eÌconomique/bancaire. Toutefois, son statut de PreÌsident de la ReÌpublique, lui confeÌ€re une posture ineÌdite. Il est au-dessus de la pyramide d’informations, capable donc d’avoir une vue holistique de la probleÌmatique extreÌmiste, particulieÌ€rement au Sahel theÌaÌ‚tre d’opeÌration de la force «Barkane». Ce flux de renseignements qui lui parvient, devrait le conduire aÌ€ avoir une perception plus affineÌe, autrement dit subtile de la situation complexe qui enlace cette zone.
Le mode d’expression de l’extreÌmisme violent de nos jours a suivi un cheminement singulier. D’ores et deÌjaÌ€, il faut bifurquer vers un deÌdale historique pour rappeler certains faits teÌ‚tus. Le terrorisme contemporain est au deÌpart incarneÌ par un homme zeÌleÌ, mais deÌtermineÌ qui arrive aÌ€ convaincre une bande d’illumineÌs de le suivre dans le fatalisme du «jihad». Oussama Ben Laden est ensuite eÌconduit du Soudan, vers la fin de la deÌcennie 90 apreÌ€s des attentats inspireÌs ou commanditeÌs par ses soins. Il pose ses baluchons dans le deÌsert afghan, pour Å“uvrer aÌ€ une veÌritable semence d’un jihadisme violent qu’il theÌorise surtout aÌ€ l’encontre d’un occident areligieux qu’il faut «deÌcapiter», adoubeÌ par le reÌgime taliban. Malheureusement cette messe obscurantiste est le rendez-vous de beaucoup de fideÌ€les et son deÌnouement macabre est la date fatidique du 11 septembre 2001.
L’homme est deÌclareÌ ennemi public mondial et traqueÌ dans tous les recoins de l’humaniteÌ par une coalition internationale. L’organisation Al-Qaïda qu’il a creÌeÌe et disseÌmineÌe se radicalise, soutenue officieusement par des entiteÌs parfois eÌtatiques surtout du golfe Persique.
DeÌ€s lors que la matrice jihadiste eÌtait identifiable aÌ€ un label »˜’»‹Al-Qaïda »»‹, sise dans les grottes afghanes, l’eÌviction de la menace devenait possible. La tirelire est casseÌe, au service d’une seÌcuriteÌ universelle, le retour d’une ambiance paisible, sans aucune intrusion extreÌmiste.
La reÌalisation effective d’un vivre ensemble. L’erreur strateÌgique nagueÌ€re et qu’on a deÌceleÌe aujourd’hui dans le discours «guerrier» du PreÌsident Macron. C’est que l’eÌcurie de guerre lanceÌe aÌ€ l’eÌpoque aÌ€ l’assaut des terroristes est parvenue aÌ€ neutraliser relativement la machine mais eÌchouait aÌ€ eÌpurer les esprits et rallier l’opinion publique dans les zones cibleÌes.
L’action jihadiste qui est neÌe dans l’esprit d’un individu, qu’il a pu mateÌrialiser, se reÌpand comme une traiÌ‚neÌe de poudre et lui reÌsiste meÌ‚me apreÌ€s son treÌpas en 2011, jusqu’aÌ€ devenir un »Etat islamique » proclameÌ en 2014. Cette fois encore, la situation geÌographique eÌtait une aubaine pour asseoir une strateÌgie et deÌsagreÌger le monstre. Lorsque le fameux «eÌtat» fut deÌmanteleÌ au levant, le phoenix renaiÌ‚t de ses cendres. La culture du terrorisme s’est »‹capillariseÌe comme une lierre. C’est un fil rouge autrement dit une « IdeÌologie » indeÌcelable puisqu’il ne s’affiche sur aucun front d’extreÌmiste.
En effet, on est en face d’une machine extreÌ‚mement huileÌe. Le monde est projeteÌ de plain-pieds dans une eÌ€re asymeÌtrique, extreÌ‚mement difficile aÌ€ deÌmeÌ‚ler. L’ennemi est invisible, futeÌ et deÌtermineÌ.
Ce deÌtour dans l’histoire emprunteÌ, rameÌ€ne vers une strateÌgie qui peut s’aveÌrer idoine pour remporter la lutte contre l’extreÌmisme violent dans le temps long.
Tel triomphe sera possible, si l’on deÌpasse l’unique option primaire-militaire et qu’on mette sur le billot la solution politique.
Qu’on s’entende bien, les bandes extreÌmistes identifieÌes, circonscrites devront eÌ‚tre combattues sans eÌtats d’aÌ‚me et freiner leur dessein d’instaurer un califat dans le giron ouest-africain. Cette deÌmarche est irreÌversible et l’opeÌration «Serval» meneÌe au Mali en 2013, demeure un instant pivot de cette action militaire.
L’installation d’une force internationale sous la coupe de la Minusma est aussi salutaire. Seulement la tactique militaire quoique appliqueÌe par plusieurs forces allieÌes devrait incomber dans l’avenir aÌ€ une force africaine. Le deÌploiement de la coalition onusienne comme la force française doivent s’estomper dans le temps avec un transfert de fonds, d’eÌquipements et de technologies aÌ€ la force G5 sahel ou mieux aÌ€ une dynamique reÌgionale ouest-africaine (CEDEAO) qui laisserait toute la place au Maroc. Cela est un horizon indeÌpassable, car nos armeÌes doivent incarner l’eÌpaisseur de leur responsabiliteÌ reÌgalienne au-delaÌ€ de tout parrainage exogeÌ€ne. Dans ce sens, l’invitation du chef de l’EÌtat seÌneÌgalais Macky Sall, prochainement chargeÌ de la preÌsidence de l’Union Africaine, aÌ€ prendre part aÌ€ ce conclave du G5 sahel est une brillante initiative. Ce fut une erreur clinique de zapper l’apport seÌneÌgalais dans l’impleÌmentation de cette force militaire. Il est temps de corriger cette incoheÌrence qui ampute la lutte opeÌrationnelle contre le terrorisme dans l’enclosure saharo-saheÌlienne.
Par ailleurs, l’intervention ponctuelle et aÌ€ moyen terme des partenaires internationaux ne deÌrange pas. Parce que le terrorisme est une entrave aÌ€ la seÌcuriteÌ collective, donc eÌbranle l’eÌquilibre de toute la planeÌ€te. Cela dit, la seÌcuriteÌ est d’abord une question de souveraineteÌ et interpelle la puissance publique des EÌtats et leur capaciteÌ aÌ€ rassurer leurs populations. Ce chantier est une prioriteÌ pour le continent africain, arreÌ‚ter d’atermoyer la construction d’une carapace militaire reÌgionale.
La solution politique s’adosse sur les communauteÌs. Il faut faire d’eux des allieÌs dans le combat. La bande saheÌlienne est en proie aÌ€ d’innombrables difficulteÌs et les populations sont les principales victimes. Leur collaboration est essentielle si l’on souhaite que l’extreÌmisme violent se transforme en un vieux souvenir qui ne viendrait plus hanter nos paisibles nuits. Sans nier l’endoctrinement, il faut ne pas faire table rase de la preÌcariteÌ qui fait pignon sur le Sahel.
Une deÌmographie fortement composeÌe de jeunes qui voient parfois tout reÌ‚ve de reÌussite sociale presque impossible dans leur pays. Ce deÌsir d’exister, de compter dans la socieÌteÌ pousse certains aÌ€ tenter l’aventure de l’immigration vers un eldorado qui ne l’est que de nom. A ce stade, il faut aussi relever le nexus migration/extreÌmisme.
Puisque sur le trajet de la migration beaucoup de candidats sont attireÌs de greÌ ou de force par les officines djihadistes. Donc le levier eÌconomique est aussi un atout contre le jihadisme. Les immenses ressources que regorgent les EÌtats du croissant saheÌlien doivent servir aÌ€ booster la creÌativiteÌ de la jeunesse et ainsi assommer chez elle, toute velleÌiteÌ de violence ou d’extreÌmisme. Cette guerre contre l’obscurantisme est aÌ€ notre porteÌe si on ne baÌ‚tit pas uniquement une certitude autour de l’outil militaire. On ne peut pas »˜’deÌcapiter» une philosophie immateÌrielle, c’est s’embourber continuellement. La Paix durable, ce vÅ“u pieux reÌgional, passe ineÌluctablement par une inclusion sociale.
Thierno S. D. Niang
Chercheur en Relations Internationales
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