ABDOU DIAW (JOURNALISTE ECONOMIQUE) SUR LES DROITS DE TIRAGES SPECIAUX : « Notre pays a obtenu 100 % de ses quotes-parts correspondant à environ 266 milliards de F CFA »

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Economie

Les droits de tirage spéciaux (DTS) peuvent être une alternative, pour les pays africains, de financer leur relance post-Covid. D’ailleurs, dans un entretien accordé à  »˜’EnQuête », le journaliste spécialisé en économie du quotidien »˜’Le Soleil », Abdou Diaw, informe que le Sénégal a obtenu 100 % de ses quotes-parts correspondant à  442,100 millions de dollars, soit 266 milliards de francs CFA.

 

La pandémie perturbe toutes les économies du monde, depuis presque une année et le financement de la relance risque d’alourdir la dette des pays africains. Aujourd’hui, est-ce que le recours aux droits de tirage spéciaux (DTS) peut être une option, pour ces pays, pour le financement de la relance post-Covid ?

Comme vous le savez, l’avènement de la pandémie de Covid-19 a augmenté les besoins de financement à  court terme des Etats, en raison de la création d’autres postes de dépense nés de la crise sanitaire. Dès les premières semaines qui ont suivi l’apparition de cette pandémie, à  l’image de l’Europe, des USA et de l’Asie, les pays africains ont également décidé d’anticiper sur les conséquences néfastes de ce virus, en mettant en place des stratégies de lutte anti-Covid, mais aussi des plans de soutien et de sauvegarde de l’économie fortement impactée par la crise.

Leur mise en Å“uvre a nécessité beaucoup de ressources budgétaires. Puisque c’est un choc exogène qui a surpris nos pays, il fallait développer, avec ingéniosité, des stratégies pertinentes de levée de fonds, afin de disposer des moyens financiers nécessaires. Certains Etats ont dà» opérer des réajustements budgétaires, en faisant des réaffectations au secteur de la santé. Des pays comme le Sénégal ont joué le mécanisme prévu par la loi organique sur la loi de finances, à  savoir une loi de finance rectificative (LFR) afin de revoir et réaménager le budget initial. Ce qui est tout à  fait approprié, face à  une telle situation d’urgence impérieuse.

Toutes ces actions entreprises par les Etats n’ont pas permis de trouver les ressources nécessaires, à  cause notamment de la durée de la crise et sa profondeur socio-économique. C’est pourquoi, certains Etats ont dà» exploiter d’autres mécanismes de financement qui étaient en leur possession. Parmi ces mécanismes, il y a les droits de tirages spéciaux (DTS) qui sont un actif de réserve international créé en 1969 par le Fonds monétaire international (Fmi) pour compléter les réserves de change officielles de ses pays membres.

Sur quoi repose la valeur du DTS ?

Depuis le 1er octobre 2016, la valeur du DTS repose sur un panier de cinq grandes devises : le dollar des Etats-Unis, l’euro, le renminbi chinois (RMB), le yen japonais et la livre sterling. Certes, le recours aux DTS peut être une option pour les Etat d’obtenir des financements auprès du FMI en récupérant leurs quotes-parts. Mais la question, est-ce qu’il reste à  ces pays éligibles membres du FMI des quotes-parts ? Il est important, pour les Etats, de voir les autres opportunités qui s’offrent à  elles, en termes de mobilisation de ressources.

Pouvez-vous nous parler un peu de l’origine des DTS ?

Le DTS a été créé par le FMI en 1969, comme avoir de réserve international complémentaire, dans le cadre du système de parités fixes de Bretton Woods. Tout pays adhérent au système devait disposer de réserves officielles qui pouvaient servir à  racheter sa monnaie nationale sur les marchés des changes internationaux, au besoin, pour maintenir son taux de change. Mais l’offre internationale de deux grands avoirs de réserve, l’or et le dollar, s’est révélée structurellement insuffisante pour favoriser l’expansion du commerce et des flux financiers internationaux à  laquelle l’on assistait alors.

La communauté internationale a donc décidé de créer un nouvel avoir de réserve mondiale sous les auspices du FMI.

Mais comment est déterminée la valeur des DTS ?

La valeur du DTS est déterminée par rapport à  un panier de monnaies qui comprenait d’abord quatre devises : le dollar, l’euro, le yen et la livre sterling. Mais depuis le 1er octobre 2016, la monnaie chinoise, le renminbi (ou yuan) est considéré comme une monnaie librement utilisable et a été inclus dans le panier du droit de tirages spéciaux (Dts) en tant que cinquième monnaie, aux côtés des quatre autres devises citées plus haut. Ce qui prouve, en effet, du rôle prépondérant de la Chine dans l’économie mondiale, à  côté des autres puissances européennes et américaines. En intégrant le cercle restreint du panier FMI, la Chine confirme sa légitimité dans les instances mondiales des décisions économiques. La composition du panier est revue tous les cinq ans par le Conseil d’administration, ou plus tôt si le FMI est d’avis qu’un changement de circonstances le justifie, pour veiller à  ce que la pondération des monnaies rende bien compte de leur importance relative dans les échanges et les systèmes financiers internationaux.

Le Sénégal peut-il solliciter des financements au FMI, à  travers les DTS ?

Le Sénégal a eu à  solliciter ses quotes-parts en pleine crise sanitaire de Covid-19. Cela a été surtout motivé par un besoin de financer le fonds Force-Covid-19 qui nécessitait une enveloppe de 1 000 milliards de F CFA. Outre les mécanismes de financement classiques, notre pays a obtenu 100 % de ses quotes-parts correspondant à  442,100 millions de dollars (soit 266 milliards de F CFA). Ce montant a été décaissé suivant deux mécanismes de financement.

Premièrement, il s’agit d’achat au titre de l’Instrument de financement rapide (IFR) pour 294,7 millions de dollars, soit 177,312 milliards de F CFA ; ceci représente 67 % de la quote-part. Deuxièmement, il y a eu un décaissement au titre de la Facilité de crédit rapide (FCR) pour 147,4 millions de dollars, soit près de 88,687 milliards de F CFA ; ceci représente 33 % de la quote-part. Le FMI avait donc mis à  la disposition du Sénégal la contrepartie de ses droits de tirage spéciaux (DTS). Toutefois, il convient de relever que le Sénégal a signé l’accord de l’Instrument de soutien à  la politique économique (ISPE) qui a été remplacé par l’Instrument de coordination à  la politique économique (ICPE). Des programmes qui ne nécessitent pas de décaissements de financement. Mais le contexte actuel marqué par la crise sanitaire est exceptionnel.

Les DTS sont-ils alloués aux pays membres sous forme de prêts ?

Les conditions peuvent varier d’un Etat à  un autre. Mais si nous prenons le cas spécifique du Sénégal, le directeur général de la Comptabilité publique et du Trésor (DGCPT), Cheikh Tidiane Diop, expliquait sur la RTS/télévision, le 15 avril 2020, que les prêts du FMI sont plafonnés à  50 % de la quote-part de chaque pays (dans le cadre de la Facilité de crédit rapide). Mais pour le cas du Sénégal, le Conseil d’administration du FMI avait consenti la totalité de la quote-part, soit 442 millions de dollars (266 milliards de F CFA).

Il est important de rappeler aussi deux parmi les mécanismes dont dispose le fonds. Il s’agit de l’Instrument de financement rapide du FMI (IFR) qui, selon l’institution de Bretton Woods, peut offrir une assistance financière rapide à  tous les pays membres qui ont un besoin urgent de financement de la balance des paiements. Cet instrument, rappelle le FMI, a été créé dans le cadre d’une réforme plus large destinée à  accroître la souplesse du dispositif de prêts de l’institution, pour lui permettre de répondre aux besoins divers des pays membres.

Pour ce qui concerne le second mécanisme, il s’agit de la Facilité de crédit rapide (FCR) qui, d’après le FMI, permet d’apporter rapidement une aide financière concessionnelle assortie d’une conditionnalité limitée aux pays à  faible revenu qui se heurtent à  un problème immédiat de balance des paiements. A ce titre, on peut évoquer le taux d’intérêt du DTS à  partir duquel on peut se baser pour calculer le taux d’intérêt dont sont assortis les prêts aux pays membres.

Aujourd’hui, pour financer les plans de relance, il est important, pour les Etats africains, de miser surtout sur la mobilisation de ressources domestiques, en privilégiant davantage les emprunts sur le marché régional. Cette option présente moins de risques, comparée aux eurobonds émis en devises étrangères. 

MARIAMA DIEME

 

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