PREVALENCE CONTRACEPTIVE : Le taux de 45% n'est pas encore atteint par le Sénégal

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Economie

Atteindre 45 %, le taux de prévalence de la planification familiale en 2020, c'est l'engagement pris par les autorités sénégalaises. Aujourd'hui, le pays est à 27,7 % et cherche un financement domestique pour l'achat de produits de contraception.

Le Sénégal s'est engagé, en 2017, à porter le taux de prévalence contraceptive de 21,2 % en 2015 à 45 % en 2020, en réduisant les besoins non satisfaits de 25,2 % à 10 %. C'est ce qui ressort de la présentation faite hier par Adjaratou Sow Diallo de la Direction de la santé de la mère et de l'enfant (DSME). En plus de cela, le pays s'est engagé à accroître, d'ici à 2020, l'allocation budgétaire relative à l'achat de produits contraceptifs de 300 millions en 2016 à 500 millions de francs CFA. Mais également d'améliorer le cadre réglementaire pour renforcer le secteur privé, le secteur communautaire et le secteur public, notamment en signant le décret d'application de la loi SR portant PF et en finalisant la révision des textes régissant la profession de pharmacien, afin que l'offre de services dans les officines soit une réalité.

Les autorités ont également décidé de prendre en compte les adolescents et les jeunes en situation de vulnérabilité, dans les stratégies en santé sexuelle et reproductive incluant la PF, en augmentant le taux d'utilisation des services de santé sexuelle et reproductive de 10 % à 70 % en 2020. Ce, avec impact sur la réduction du taux de fécondité chez les adolescentes de 15 à 19 ans, de 80 à 70 pour mille en 2020.
Seulement, ces objectifs ne sont pas atteints aujourd'hui. Et beaucoup de défis restent à relever. Il s'agit de la mise en Âœuvre effective des engagements politiques, du plan de plaidoyer pour l'augmentation du budget de l'Etat pour l'achat des produits contraceptifs de 117 à 500 millions, d'ici 2021. Car la ligne des achats de contraceptifs de 2016 à 2018 est de 300 millions F CFA. En 2019, une baisse de 61 % a été constatée et les besoins étaient proches de 2 milliards par an.
Entre autres défis, il faut relever la disponibilité des produits jusqu'au dernier Kilomètre (reprise du modèle « Yeksina''). Il y a également la gratuité des produits PF et de l'offre, l'effectivité de l'intégration de l'offre de PF/CMU et l'inscription de ligne budgétaire pour l'achat des produits par les collectivités territoriales.
Toutefois, il faut noter qu'en 2020, 817 000 femmes utilisent une méthode moderne de contraception. Par conséquent, l'utilisation des contraceptifs a permis d'éviter 313 000 grossesses non désirées, 111 000 avortements à risque et 700 décès de mères. D'où l'intérêt pour le Sénégal de continuer la mobilisation des ressources financières, afin d'atteindre les objectifs « Zéro besoin non satisfait''.
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SAFIETOU DIOP, PRESIDENTE DU RESEAU SIGGIL JIGEEN
« Il faut que ceux qui exploitent nos ressources financent la santé''
La société civile est déterminée à appuyer l'Etat dans la mobilisation de ressources domestiques pour la planification familiale. Mais pour la présidente du réseau Siggil Jiggeen, Safiétou Diop, ceux qui exploitent les ressources du pays doivent financer les questions sociales des communautés.
Comment est-ce que vous comptez aider l'Etat à mobiliser les ressources domestiques pour les années à venir ?
Nous avons compris, depuis que l'Etat du Sénégal s'est engagé, en 2012, à Londres, à faire progresser la planification familiale et aider au repositionnement, qu'il ne pourra jamais, à lui seul, respecter ses engagements et obtenir des résultats sur son objectif, si la société civile sénégalaise ne l'aide pas. Parce que, quoi qu'on puisse dire, nous sommes l'émanation des communautés. Ce n'est pas toujours facile pour l'Etat de gérer cela, en relation avec le consentement et l'engagement des communautés.
Donc, la société civile a une responsabilité en direction de l'Etat, pour l'accompagner dans le respect ses engagements. Nous l'avons fait pour faire comprendre aux communautés qu'il est de leur intérêt d'aller dans le sens proposé par l'Etat pour la promotion de la planification familiale.
C'est pourquoi nous avons mis en place une stratégie de mobilisation des ressources internes qui adresse directement l'enrôlement des maires, des municipalités dans le financement de la planification au Sénégal, pour aider l'Etat à obtenir des résultats sur son objectif de 45 % de taux de prévalence contraceptive (TPC).
Alors, vous avez mobilisé avec les maires 319 millions de francs CFA ?
Oui, nous avons mobilisé 319 millions avec les collectivités locales. Hier, le directeur de cabinet du ministre de la Santé et de l'Action sociale nous a informés de la décision de l'Etat de mettre 500 millions F CFA sur le budget de la planification familiale, de la santé de la reproduction. Alors, imaginez, nous avons plus de 500 communes au Sénégal : si chaque collectivité met un million F CFA sur la table ; cela va faire plus de 500 millions et cela balance carrément l'action de l'Etat. Cela nous fait au moins une cagnotte d'un milliard F CFA pour financer la planification familiale. Donc, il était de notre devoir de mettre en place cette stratégie, afin de mobiliser les ressources de la communauté. Parce que nous considérons que les collectivités territoriales sont véritablement les organes mis en place par la communauté pour la communauté. Donc, cette dernière doit prendre conscience de la nécessité de mettre la main à la pâte, en finançant leurs propres besoins en termes de planification familiale.
Par ricochet, ce financement va nous amener à la pérennisation de la stratégie, parce qu'ils auront conscience qu'il faut continuer à financer leur propre santé. Alors que l'Etat central peut, en un moment donné, avoir des problèmes de rupture. C'est ce qui est arrivé d'ailleurs. Après deux ans d'engagement, ils ont eu le prétexte d'Ebola pour reculer dans leurs engagements. Mais si la communauté se prend en charge, elle mettra les conditions nécessaires pour mobiliser, à chaque fois que de besoin, le financement nécessaire pour sa propre santé.
Votre réseau est constitué de 19 associations. En dehors de ce plaidoyer auprès des collectivités locales, est-ce que vous mettez aussi la main à la poche pour financer la santé des autres femmes vulnérables ?
Vous voulez nous demander, nous société civile volontaire, de puiser dans nos poches pour financer le développement des communautés ? Je peux dire oui et non. Oui, parce que nous sommes l'émanation de la population. Nous travaillons aussi pour le bien de la population. C'est sûr que nous participons au financement, en participant gratuitement, en mettant notre expérience, nos connaissances, notre temps pour l'organisation de ces populations et pour le plaidoyer, pour que cela soit bien pris en charge. Mais au-delà, toutes les femmes sénégalaises sont organisées sous forme de mécénat. Même les groupements au niveau à la base font des cotisations, les tontines.
C'est ce qu'on appelle les « stratégies de financement endogènes''. Actuellement, il y a des groupes dans les villages qui s'organisent en termes de champ collectif ou de tontine pour financer leur propre santé. La souveraineté sanitaire, c'est nous-mêmes. Il faut qu'on prenne conscience de la nécessité de nous prendre en charge. Mais c'est à l'Etat d'organiser cette conscience pour que la population puisse participer au financement de sa santé. Les femmes participent au financement. Il y a une enquête qui a montré qu'actuellement, sur les dépenses de santé au niveau national, 26 % sont pris en charge par les ménages. Donc les populations participent et c'est nous.
Quels sont aujourd'hui les défis à relever ?
Les plus grands défis, c'est d'abord le secteur privé. Nous l'avons souligné. L'actualité nous donne raison. Nous prenons juste l'histoire toute récente de Ngadiaga, là où on exploite le gaz. L'entreprise n'a même pas daigné investir sur la santé de la population. Il n'y a pas de poste de santé à Ngadiaga. Pour vous dire qu'il est indigne de continuer à vivre une situation d'exploitation de nos ressources sans pour autant que ces gens-là puissent contribuer au développement de cette localité. Ne serait-ce que pour prendre en charge la question de la santé de ces populations.
Aujourd'hui, les populations de Ngadiaga et alentours, peut-être même le Sénégal, sont en train de vivre un grand risque. Alors que ces investisseurs ont peut-être sorti des milliards F CFA qu'ils ont renvoyés chez eux, laissant la population sénégalaise à la merci des difficultés et au grand risque que cela peut produire.
Donc, l'Etat a l'obligation de réglementer la RSE et d'obliger, en signant des contrats avec ces entreprises, de mettre une clause de respectabilité de la RSE et de surveiller ces engagements, afin que cela soit une réalité sur la vie des populations. C'est le plus grand défi. Il faut que ceux qui exploitent nos ressources financent les questions sociales de ces communautés.
L'autre dimension est que nous devons mettre à l'échelle la stratégie de mobilisation des ressources internes sur l'ensemble des communautés. L'UAL a proposé d'aller ensemble avec la société civile pour aider à harmoniser, pour que toutes les collectivités puissent entrer en jeu et que les populations sénégalaises puissent en bénéficier.

VIVIANE DIATTA

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