? « Attaque » de la Pitié : la fake news de Castaner échappe à la loi contre les fausses informations

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Le tribunal de grande instance de Paris a rejeté la plainte adressée par deux élus communistes contre les «fake news» de Christophe Castaner à propos de la pseudo-attaque de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière par des gilets jaunes le 1er mai dernier.

La loi contre les fausses informations impose de nouvelles obligations de transparence aux opérateurs de plateforme. Dès lors qu'approche une élection d'importance (présidentielles, législatives, européennes, etc.), ces intermédiaires doivent révéler aux utilisateurs «une information loyale, claire et transparente» sur l'identité de ceux qui ont payé pour promouvoir «des contenus d'information se rattachant à un débat d'intérêt général» sur leurs services en ligne.

Il est surtout désormais possiblede saisir le juge des référés pour ordonner la cessation d'une fausse information diffusée par les plateformes. Selon le législateur, ce sont des «allégations ou imputations inexactes ou trompeuses d'un fait de nature à altérer la sincérité du scrutin à venir».

Et pour le Conseil constitutionnel, qui a passé le texte au tamis, «seule la diffusion de telles allégations ou imputations répondant à trois conditions cumulatives peut être mise en cause : elle doit être artificielle ou automatisée, massive et délibérée». De même, ont précisé les Sages, ces propos ne recouvrent «ni les opinions, ni les parodies, ni les inexactitudes partielles ou les simples exagérations». Ce sont surtout celles «dont il est possible de démontrer la fausseté, de manière objective».

C'est à la lumière de ce texte et l'interprétation du Conseil constitutionnel que le TGI de Paris a rejeté l'action lancée par deux élus communistes à l'encontre d'un tweet de Christophe Castaner, diffusé le 1 mai 2019 à 12h04 (la décision révélée par Dalloz).

Dans ce fameux tweet, le ministre a soutenu qu'«ici à la Pitié-Salpêtrière, on a attaqué un hôpital. On a agressé son personnel soignant. Et on a blessé un policier mobilisé pour le protéger. Indéfectible soutien à nos forces de l'ordre : elles sont la fierté de la République».

Le juge des référés, à l'aide de plusieurs pièces, articles de journaux compris, a conclu que «si le message rédigé par Monsieur Christophe Castaner apparaît exagéré en ce qu'il évoque le terme d'attaque et de blessures, cette exagération porte sur des faits qui, eux, sont réels, à savoir l'intrusion de manifestants dans l'enceinte de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière le 1 mai 2019».

Cette nuance lui permet de conclure que «l'information n'étant pas dénuée de tout lien avec des faits réels, la condition selon laquelle l'allégation doit être manifestement inexacte ou trompeuse n'est pas remplie».

En somme, il aurait fallu un mensonge beaucoup plus gros pour que ces exagérationspuissent être épinglées par la justice : des gilets jaunes procèdent à une opération à coeur ouvert, d'autres s'envolent au dessus de Paris pour y déployer une banderole anti-Macron, ou déplacent la Tour Eiffel, etc.

Autre chose, pour que la suppression d'un tel message soit ordonnée, encore fallait-il que la diffusion du message soit «artificielle ou automatisée, massive et délibérée».

Le juge, plongé dans les travaux parlementaires, a expliqué que cette expression «renvoie aux contenus sponsorisés – par le paiement de tiers chargés d'étendre artificiellement la diffusion de l'information – et aux contenus promus au moyen d'outils automatisés – par le recours à des ?bots'».

Là encore cette condition n'est pas remplie en l'espèce, faute de sa démonstration.

Enfin, le message devait présenter lerisque manifeste d'altérer la sincérité d'un scrutin à venir. Selon les demandeurs, les propos du ministre de l'Intérieur ont visé «à faire croire à un climat de violence pour faire jouer le ressort de la peur et du chaos, ce qui ne peut que perturber la campagne des élections européennes».

Réponse du TGI : « si le tweet a pu employer des termes exagérés, comme cela vient d'être évoqué, il n'a pas occulté le débat, puisqu'il a été immédiatement contesté, que de nombreux articles de presse écrite ou Internet ont indiqué que les faits ne se sont pas déroulés de la manière dont l'exposait Monsieur Christophe Castaner et que des versions différentes ont surgi, permettant ainsi à chaque électeur de se faire une opinion éclairée, sans risque manifeste de manipulation».

En somme, Christophe Castaner a utilisé des «termes exagérés» mais les conditions justifiant l'application de la loi contre les fausses informations ne sont pas remplies.

Se confirme ce que nous écrivions le 21 décembre dernier, à savoir que ce texte est délicat à appliquer au regard des multiples contraintesà respecter avant d'espérer un retour à la réalité-vraie. Une situation ubuesque qui laisse une marge de respiration aux mensonges politiques dès lors que ceux-ci restent en lien même étroit avec la réalité, ne sont pas relayés par des bots et/ou ont été contestés aux yeux des électeurs.

En somme, des fake news qui fleurissent sur le terrain d'un texte inutile.

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