? Loi Fake News : Twitter refuse les campagnes politiques en France, dont celle du gouvernement

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L'histoire pourrait être celle du boomerang, objet tournoyant ayant pour vocation à revenir dans la tête du lanceur. Twitter vient de refuser la campagne #OuiJeVote du ministère de l'Intérieur en approche des élections européennes,faute de pouvoir respecter la loi contre la manipulation de l'information.

Selon l'AFP, Twitter a refusé la campagne du ministère de l'Intérieur pour inciter les citoyens à voter aux élections européennes. Non que le réseau social considère qu'il s'agit là de fausses informations, mais parce qu'il s'estime incapable de respecter certaines des obligations de la loi anti Fake News publiée fin 2018.

La loi «relative à la manipulation de l'information» impose dès son article 1er aux grandes plateformes le soin de publier toute une série d'informations associées aux campagnes promouvant des contenus d'information «se rattachant à un débat d'intérêt général».

Les plateformes comme Twitter sont ainsi tenues'

« 1° De fournir à l'utilisateur une information loyale, claire et transparente sur l'identité de la personne physique ou sur la raison sociale, le siège social et l'objet social de la personne morale et de celle pour le compte de laquelle, le cas échéant, elle a déclaré agir, qui verse à la plateforme des rémunérations en contrepartie de la promotion de contenus d'information se rattachant à un débat d'intérêt général ;
« 2° De fournir à l'utilisateur une information loyale, claire et transparente sur l'utilisation de ses données personnelles dans le cadre de la promotion d'un contenu d'information se rattachant à un débat d'intérêt général ;
« 3° De rendre public le montant des rémunérations reçues en contrepartie de la promotion de tels contenus d'information lorsque leur montant est supérieur à un seuil déterminé.
« Ces informations sont agrégées au sein d'un registre mis à la disposition du public par voie électronique, dans un format ouvert, et régulièrement mis à jour au cours de la période mentionnée au premier alinéa du présent article».

En somme, Twitter doit donc revoir la structuration de son site pour placarder l'identité de la personne derrière la campagne de promotion, indiquer ce qu'il entend faire des données personnelles associées à la lecture du tweet, révéler le montant des sommes en jeu et afficher le tout dans un registre dédié.

« Twitter ne sait pas faire ça aujourd'hui, et a donc décidé d'avoir une politique complètement jusqu'au-boutiste qui est de couper toute campagne dite de nature politique» a expliqué le Service d'Information du Gouvernement à l'Agence France Presse.

Soupe à la grimace au sein de l'exécutif, celui-ci considérant que la campagne gouvernementale « est une campagne d'incitation à l'inscription au vote, c'est une campagne d'information publique, ce n'est pas une campagne politique ou d'un parti». Pour le SIG, pas de doute: Twitter refuse de se conformer à la loi. Un «baroud d'honneur de leur part».

Sauf que la grille de lecture de l'exécutif ne colle pas tout à fait avec le texte soutenu par Emmanuel Macron et voté massivement par les députés LREM. Le texte vise en effet l'ensemble des «contenus d'information se rattachant à un débat d'intérêt général». Et nécessairement, les campagnes appelant au vote sont sans doute une information de cet ordre.

On remarquera que cette affaire n'est pas une surprise. Twitter doit respecter la loi s'il publie des campagnes politiques. Non qu'il ait l'obligation de publier ces publicités. Or, dans ses pages «business», la plateforme indique qu'elle autorise, sous conditions, les campagnes d'ordre politique partout en Europe sauf dans certains pays, dont… la France.

De fait, plus qu'un «barroud d'honneur», ce bras de fer entre le réseau social et le gouvernement français n'est qu'une stricte application des conditions générales d'utilisation du service.

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Néanmoins, Twitter est un peu dans l'anticipation. Pour être applicable, la loi exige en effet la publication de deux décrets attachés à ses principales dispositions dont l'article 1.

Or, selon le tableau d'état d'application, ces textes n'ont toujours pas été publiés au Journal officiel.

Voilà un an, en plein débat parlementaire, Twitter France avait en tout cas âprement critiqué ce texte dans nos colonnes. «La nature ouverte et temps réel de Twitter est un puissant antidote aux soi-disant « fausses nouvelles ». Les journalistes, experts et citoyens engagés, main dans la main, corrigent et réfutent en quelques secondes le discours public grâce à leurs Tweets».

«Nous, en tant qu'entreprise, n'avons pas à être l'arbitre de la vérité» ajoutait Audrey Herblin-Stoop, sa directrice des Affaires publiques. «Confier ce rôle à des entreprises privées correspond à une vision court-termiste, est dangereux pour la démocratie et affaiblit activement le rôle vital des médias dans notre société».

Fait notable, l'épisode intervient alors que le CSA a justement lancé une série d'auditions avec plusieurs plateformes concernées par la loi anti-Fake News pour «alimenter sa réflexion» sur la mise en oeuvre de la loi.

Le conseil sera en effet chargé d'assurer la mise en oeuvre de plusieurs des obligations prévues par le législateur, avec la possibilité d'adresser des «recommandations» à ces intermédiaires «visant à améliorer la lutte contre la diffusion de telles [fausses] informations».

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