Adiouza : «Le show-biz, c’est la jungle»

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Fille du monument Ouza Diallo, Adiouza a réussi à se faire une place dans le paysage musical sénégalais. Formée à l’Ecole de musicologie de Paris, Adiouza, qui a reçu l’équipe de Rewmi à Guédiawaye, précisément à Hamo 4, parle de sa carrière, de ses projets et du milieu du show-biz. Le ton est donné pour une interview sans détours. Entretien exclusif :

Qu’est-ce qui vous a poussé à faire de la musique ?

J’ai commencé la musique après le Bac. Je suis issue d’une famille d’artistes, j’ai un père qu’on ne présente plus, et il faut reconnaitre qu’il m’a beaucoup influencée. Depuis toute petite, j’ai baigné dans cette atmosphère, dans cet univers musical et donc, c’est ce qui m’a peut-être forcément poussée à prendre cette voie-là. Apres le Bac, j’ai fait mes études de musicologie à Paris. Le master en poche, je suis revenue à Dakar pour sortir mon premier album intitulé ‘’MADOU’’. Il y a eu des hits comme ‘’NOBEL’’, entre autres. Mon deuxième s’appelle ‘’LIMA DONE’’ et dans cet album, j’ai revendiqué l’africanité panafricaine et le troisième album qui sortira en Janvier 2021, dont le premier single est ‘’Madame Bonheur’’.

Est-ce votre père, votre source d’inspiration ?

J’avoue que mon père (Ouza) m’a trop influencée et ça, il faut le reconnaître, parce que depuis toute petite, j’ai grandi avec lui. Il y avait les artistes qui défilaient à la maison, ma mère est une grande mélomane mais elle était aussi manager de papa. Ce qui veut dire que j’ai baigné très tôt dans cet univers. Mon père est une source d’inspiration pour moi, une référence. Il y a aussi mon frère qui m’a beaucoup formée ; il a beaucoup participé à mon éclosion, à ma formation sur le plan musical.

Pourquoi avoir quitté Dakar pour aller étudier la musique à l’étranger ?

A la base, je voulais faire des études en musique ici au Sénégal mais je n’ai pas réussi l’examen d’entrée, j’ai été recalée. Comme je suis tenace, persévérante, battante, je n’ai pas lâchée et j’ai déposé un visa étudiant pour Paris, pour aller faire une Licence en musique. Apres les études en Licence et master, je suis revenue à Dakar pour continuer ma carrière.

Quelle est la chose qui vous a le plus marquée lorsque vous êtes rentrée ?

Quand j’ai sorti mon premier single au Sénégal, j’étais encore étudiante, à vrai dire, j’ai sorti le single et je suis retourné à Paris, continuer mes études. Apres, les gens ont commencé à m’appeler pour que je revienne le plus rapidement possible à Dakar parce que mon son était en train de faire un tabac. C’est une chose à laquelle je ne croyais pas parce que c’est un son que j’avais juste sorti comme ça (Nobel). Je l’avais sorti vite fait au Sénégal en 2008. Je ne croyais pas au succès de ce son, mon père m’a appelé pour que je rentre et qu’il prédisait de bonnes choses pour moi. Ça m’a beaucoup marquée.

Que faites-vous en dehors de la musique ?

J’évolue beaucoup dans le social, j’ai une association qui a pour but d’aider les personnes démunies dans la banlieue et nous faisons beaucoup d’actions sociales. A part ça, j’ai mon propre business et comme la musique ne nourrit pas son homme, on essaie d’élargir un peu le champ d’action (tout sourire), pour pouvoir vivre correctement et convenablement.

Qu’est-ce qui vous a poussée à faire du social ?

Le social, c’est mon vécu (elle se répète) ! Toute jeune, mon père était un artiste très engagé, il ne vivait pas de son art. Et ma mère était une battante qui galérait à ses côtés. Elle n’a pas hésité à se sacrifier, à vendre des sandwiches, à faire n’importe quel métier, pour subvenir aux besoins de sa famille. Et toutes ces choses m’ont marquée. Quand j’ai commencé à gagner convenablement ma vie, je me suis dit pourquoi ne pas venir en aide à ces mères de familles démunies, qu’on oublie souvent et qui pourtant sont des battantes ?

Quels sont vos rapports avec votre père ?

Oh ! Mon papa, c’est avant tout mon conseiller, il s’intéresse beaucoup à ma carrière et c’est très normal, je porte son flambeau. Il est tout le temps à mes côtés, dans les moments difficiles, de réussite, d’échec et je lui en suis très reconnaissant. C’est un complice en quelque sorte et il m’apporte beaucoup.

Comment faites-vous pour allier la musique et la vie de famille ?

Ce n’est pas simple d’allier musique et vie de famille. Maintenant, j’ai une famille, j’ai un enfant et c’est la raison pour laquelle, dès fois, je m’absente beaucoup sur la scène musicale. Il y a des choses qui étaient simples quand tu es célibataire mais quand tu as des enfants, la donne change. Dès fois, je donne beaucoup plus d’importance à mon enfant qu’à ma carrière, par exemple. Je suis confrontée à ce genre de choix par moments. Quand je m’absente, c’est parce que je veux être auprès de mon fils, je veux l’accompagner, le voir grandir et donc, il est devenu le centre, le point focal de ma vie, il vient avant ma carrière. Je suis dans cet état d’esprit. Or ce n’était pas le cas quand j’étais plus jeune, célibataire ; j’étais carrément focus sur la musique, ma carrière. Là, j’assume mon rôle de maman (elle rigole).

La pandémie de Covid-19 a-t-elle impacté sur votre travail ?

Cette pandémie a gravement impacté sur notre travail ; il faut reconnaître qu’il y a eu des pertes (elle insiste). Après le grand théâtre, il était prévu que je fasse des tournées dans le monde, aux Etats-Unis, en Europe, aux Caraïbes, entre autres. C’était un programme bien défini, mais avec la Covid, ça n’a pas pu se faire, tout est tombé à l’eau. Nous avons dû annuler beaucoup de festivals, beaucoup de concerts mais nous ne pouvons que rendre grâce à Dieu, nous sommes toujours là, vivante, donc rien que pour cela, je rends grâce. 2020, c’est une année où il fallait tout faire pour survivre (elle se marre), parce que ce n’était pas évident avec cette maladie qui a secoué le monde.

Comment est-ce que vous faisiez pour égayer votre public durant cette période où tous les spectacles étaient suspendus ?

J’ai eu à faire des live, des concerts live sur mes réseaux sociaux, sur ma chaine YouTube et nous le transmettions directement sur Instagram. Tout cela, j’ai eu à le faire durant le confinement. Pour certains artistes, je pense que le confinement a été un moyen pour eux de se consacrer entièrement à leur carrièrs, d’entrer au studio, c’est mon cas d’ailleurs. Durant cette période, j’ai concocté un album de dix titres qui sortira normalement en Janvier 2021. ‘’Madame Bonheur’’ est le premier single de cet album.

Quel est votre avis sur la question de l’émigration clandestine ?

C’est un thème que j’adore aborder, d’ailleurs dans mon premier album, j’ai eu à chanter ce thème-là « Borom Gall ».Dans mon deuxième album, il y avait un single intitulé « Princesse à Paris », qui parle en quelque sorte de l’immigration, des difficultés à Paris, les difficultés que j’ai eu à rencontrer quand j’étais là-bas, la galère.

A vrai dire, ce n’était pas aussi beau que je le croyais. Dans mon troisième album, il y a aussi un single qui porte sur ce thème, quand je le composais c’était en début d’année et il n’y avait pas tout ça. C’est un sujet que j’aime bien aborder parce que moi-même, j’ai été émigrée. J’ai été dans le pays des autres pour étudier. Quand je vois le désespoir de cette jeunesse sénégalaise, j’ai le cœur meurtri, quand je vois des jeunes de 15 ans qui risquent leurs vies « Barça ou Barsakh » pour le mirage de l’Europe, je vais l’appeler…

Parce que c’est un mirage en quelque sorte, on croit que quand on quitte notre pays pour aller en Europe, on va mieux gagner sa vie. Les conditions de vie sont différentes certes, mais ce qu’il faut savoir est que la vie en Europe n’est pas facile parce que les charges sont vraiment lourdes. Mais quand même, il faut comprendre le désespoir de ces jeunes, se mettre dans la peau de ces derniers, pour comprendre ce sacrifice qu’ils sont prêts à faire pour réussir leurs vies. Je pense aussi que l’Etat du Sénégal doit vraiment penser à l’avenir de la jeunesse sénégalaise, en l’accompagnant pour qu’il n’y ait plus de jeunes qui prennent les pirogues comme ça, car c’est vraiment risqué.

Pouvez-vous revenir un peu sur votre vie à Paris ?

C’est un sujet que je n’aime pas trop aborder, je n’aime pas parler de mes galères à Paris. Je suis une personne très positive et je veux toujours donner cette impression que tout va bien. Je ne veux pas parler de négativité, mais il est quand même important de parler de ça pour que les jeunes comprennent que ce n’est pas aussi simple que ça. On croit que dès qu’on arrive en Europe, on a réussi sa vie, or ce n’est pas aussi simple.

L’Europe, c’est la galère, surtout avant que tu n’obtiennes tes papiers, c’est beaucoup de sacrifices. Quand tu venais en tant qu’étudiante, c’était impensable de doubler une classe, sinon tu risquais d’avoir des problèmes de papiers entres autres. Si tu n’as personne pour t’aider, t’épauler, tu peux te retrouver vite fait à la rue. Et j’ai été à la rue, heureusement qu’il y avait des foyers d’accueil pour ça. Ce n’est pas facile mais pourtant il y a des gens à qui ça a réussi. Ces gens-là sont des exemples pour certains jeunes mais en ce qui me concerne, pour réussir en Europe, il faut de l’abnégation, travailler comme une malade, se sacrifier pour vraiment arriver à ses fins.

Déjà 10 ans de carrière, pouvez-vous revenir sur un souvenir qui vous a le plus marquée ?

Ce qui m’a le plus marquée, ce sont mes 10 ans de carrière (rire). Au grand théâtre, j’ai été très émue c’était en 2019 parce que ce n’était pas facile. A vrai dire, le show-biz est hyper compliqué, ce n’est pas simple. Des fois, il y a des coups bas, des humiliations et en tant que femme, il faut avoir la tête sur les épaules, être persévérante, une combattante, une lionne carrément.

Le show-biz, c’est la jungle, tu dois tout le temps être d’attaque pour répondre aux coups bas. Ce n’étais pas facile quand j’organisais cet évènement là, parce que je n’ai pas de label, je m’auto-produis, tout est sorti de ma poche. Certains voyaient ce grand évènement-là, initié par une jeune artiste femme, comme un échec. Les gens attendaient vraiment cet échec et c’est pourquoi je me suis battue comme une lionne pour réussir ce pari-là et avec les coups bas, ce n’était pas simple et du coup, ça m’a beaucoup marquée.

Votre dernier single est intitulé ‘’Madame Bonheur’’, pourquoi le choix de ce titre ?

Le titre, c’est juste pour dire que je suis de bonne humeur, je suis à la recherche de la paix actuellement, donc je veux la paix, je veux le bonheur aussi et je le souhaite à tout le monde. Mais ‘’Madame Bonheur’’, c’est un cri de cœur aussi pour ces conflits dans les foyers polygames. Dans les foyers polygames, il y a beaucoup de déchirements, beaucoup de conflits et j’ai fait ce son-là pour donner de l’espoir et pour dire aux femmes de ne pas s’acharner entre elles pour les hommes, que chacune gère sa place bien et qu’elles ne calculent pas l’autre. Je pense que dans un foyer polygame, si tu veux t’en sortir, il ne faut pas calculer l’autre, tu gères ta place et c’est tout. J’ai essayé de charrier chaque femme, chacune d’elle, la première comme la deuxième qui se font la concurrence et que chacune se voit être la préférée de son mari. Et c’est ça le thème de cette chanson, un foyer polygame.

Est-ce votre vécu ?

Très bonne question, je déteste parler de ma vie privé (elle se marre).C’est une question piège ça (dit-elle sur un ton taquin).

Quels sont vos projets ?

Il y a une sortie d’album au mois de Janvier 2021, il y a d’autres singles qui vont sortir aussi avant l’album. Il y a une soirée de lancement du nouveau single ‘’Madame Bonheur’’ au mois de Décembre à la Villa Crystal. Cela fait longtemps que je ne me suis pas produite sur scène et ce sera comme une soirée retour, une fusion avec les fans.

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