COMMUNICATION IDRISSA SECK : Les lignes de force du discours «  »orange''

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Politique

Le candidat de la coalition Idy2019 a usé et abusé, au besoin, de certains éléments de langage et de thèmes depuis le début de la campagne électorale. Après deux semaines, voici, de manière ramassée, les énoncés qui reviennent le plus dans sa communication.

«  »Dès le premier tour'' : L'appropriation de ce scrutin par une victoire au premier tour n'est pas l'apanage du camp au pouvoir qui le revendique à 54 % ou plus. Le candidat de la coalition Idy2019 clame systématiquement un succès dès le premier tour, lui aussi, en milieu ou en fin de discours. Les déclinaisons sont variées, mais la plus fréquente est : «  »… Inch Allah, au soir du 24 février, une victoire éclatante dès le premier tour sera assurée.'' La fréquence quotidienne à laquelle cette antienne est ressassée laisse penser, pour le candidat Idrissa Seck en tout cas, que c'est bien plus qu'un simple élément de langage.

Impersonnel : Durant toute la campagne électorale, le candidat de la coalition Idy2019 a soigneusement évité de désigner nommément le candidat sortant. Eh oui ! Idy a réussi l'exploit de ne pas avoir dit «  »Macky Sall'' durant ces 17 jours de campagne. Tout indique qu'il ne le fera pas, d'ici vendredi prochain à minuit, date de clôture de la campagne. Les allusions et insinuations vipérines, à l'endroit du président de la République et à son bilan n'ont pas manqué, pourtant. Mais Idrissa Seck a toujours usé du vocable de «  »waaji'' (le bonhomme) ou le «  »gouvernement'' ou «  »l'Etat'' auquel il attribue aussitôt le qualificatif peu engageant d' » »amateur''. La seule fois où le leader d'Idy2019 a failli se faire violence avec sa propre règle tacite, c'était le mardi dernier à Bignona, dans le Sud, pour brocarder le président Sall avec le dicton qui s'est popularisé sous la seconde alternance. «  »Le Sénégal est le seul pays au monde où le nom du président traduit la dèche. Partout, on dit que « deuk bi dafa Macky'', s'y est-il pris par deux fois dans la même journée.

Le candidat sortant peut toutefois se rassurer. Idrissa Seck n'a pas fait de référence nominative à ses autres concurrents non plus, alors que son chemin a croisé celui d'Issa Sall à Kaffrine. Il est également intéressant de remarquer que dans l'énoncé de son discours, le «  »je'' est absent des discours d'Idrissa Seck, préférant mettre en avant le «  »nous'' incluant certainement toute la coalition Idy2019.

Vision Diamniadio : Décidément, le candidat sortant est l'absent le plus présent dans le «  »contre-discours'' du candidat d'Idy2019. Idrissa Seck raille la vision des programmes de Macky Sall sur la déconcentration des infrastructures à Dakar. «  »Quand je disais que sa vision s'arrête à Diamniadio, on avait cru que c'est un discours de politicien. Maintenant, c'est vous-mêmes journalistes qui constatez l'état impraticable des routes'', a-t-il déclaré à Kothiary, près de Tamba. En effet, le leader d'Idy2019 explique même que son directoire de campagne a opté pour la formule de la caravane orange pour faire constater de visu que les infrastructures et «  »services sociaux de base se raréfient au fur et à mesure qu'on quitte Dakar et la façade côtière''. Le moins qu'on puisse dire, c'est que les axes routiers, du Sud-Est au Nord-Est, sont dans un état de dégradation avancé.

Education, formation, santé : Il s'en est fallu de peu que ce triptyque explose aux oreilles des reporters qui ont suivi le leader d'Idy2019. Dans le Sénégal oriental, le Nord, le Centre, Idrissa Seck esquissait sans cesse la relation de cause à effet qu'il y avait entre ces trois éléments. Pour l'émergence et la compétitivité, croit savoir le candidat, il faudra une expertise et une compétence certifiées au niveau national et à l'international. Celles-ci découlant d'une bonne formation initiale dont la condition première est que les individus à qui on la dispense soient en très bonne santé. Idrissa Seck esquissera, pour ce faire, un des points de son programme de redressement national : une commune, un milliard.

Compassion : Un homme politique sait aussi jouer sur les émotions. Susciter bonheur, la colère. La compassion est l'élément du pathos que le candidat utilise le plus. Bien sûr, c'est l'essentialisation des traits de caractère de son adversaire sortant qui lui sert de fuel pour véhiculer son message. Si Macky Sall a voulu « sympathiser » son image en se laissant aller à des confidences sur «  »Moi, Niangal Sall'', dans son ouvrage « Le Sénégal au coeur'', Idrissa Seck fait tout pour le rendre antipathique. «  »Quand on veut être en perpétuel accord avec les gens, il faut avoir la main sur le coeur'', a lancé ce lundi 18 février Idrissa Seck à Darou Mousty. En début de campagne également, à Thiès, le candidat a aussi brocardé ce trait de caractère de Macky, dont l'impopularité dans l'opinion est réelle. Dernier élément d'une énonciation au pathos, Idy tente de jouer, à l'inverse, sur la sympathie que pourrait susciter l'emprisonnement du maire révoqué de Dakar. A l'image de la campagne de la coalition Manko Taxawu Senegaal aux Législatives de 2017, Idrissa Seck savonne la planche à son président d'adversaire en évoquant la détention de Khalifa Sall, et éventuellement de Karim Wade, comme une phobie de son adversaire à se débarrasser de ses rivaux.

«  »Diolonding'' ou «  »falkastim'' : Pas aussi systématique que ses autres éléments de langage, mais très fréquent et très drôle, Idrissa Seck utilise cette anecdote du terroir socé (il s'est trompé en disant diola) pour agrémenter de temps à autre ses discours. C'est à Goudomp, de son propre aveu, que cette petite histoire entre lutteurs lui a été rapportée pour la première fois. L'histoire entre deux lutteurs dont l'un qui a soulevé son antagoniste a demandé au public : «  »Laalesoko, soit diolonding soit falkastim'' (vous voulez que je le dépose lentement ou que je le terrasse brutalement ?). Une analogie destinée à son adversaire qu'il a utilisé dès le deuxième jour de campagne à Ndagalma, avant de le distiller de temps à autre devant des publics surchauffés et hilares.

Paraboles : C'est connu. Le leader de la coalition Idy2019 est un lecteur assidu du Coran dont il use les versets à satiété. Et c'est un fait, ses caravanes visitent quotidiennement au moins un dignitaire religieux dans les coins les plus insoupçonnés du pays. Avant-hier lundi à Nguinth, c'est un hadith bien connu du culte musulman («  »la prière est l'arme du croyant'') qu'il a utilisé devant le khalife Baye Dame Gadji. Ceci après une sainte échappée solitaire, la veille, dans le village de Thieyène Djolof où Serigne Touba a composé de nombreuses oeuvres après une retraite de plusieurs années. Bref, ceci pour dire que devant les dignitaires religieux, «  »Mara'' sait aussi jouer sur la fibre confessionnelle. C'est dans la localité de Médina Souané, fief religieux d'Abdallahi Karamba Souané, dans le Sédhiou, que le candidat a fait étalage de sa connaissance du Livre saint. Il a forcé un sourire au khalife par une exégèse sur les scrupules du roi-prophète Salomon parlant à une fourmi craignant que l'armée de ce dernier ne les écrase (versets 17-19, Sourate 27). Ceci pour démontrer que la compassion (voir plus haut) est, selon lui, une qualité nécessaire par laquelle le bon Dieu éprouve l'impétrant qui aspire à diriger une communauté. Dans la nuit de samedi à dimanche également, Idrissa Seck a secoué la foule par un verset à Louga, alors qu'à Porokhane, il a théorisé l'enseignement confessionnel. Bref, une carrière d'islamologue ne serait pas de trop, si Idy décidait de raccrocher les crampons politiques.

«  »Na dem, na dem, na demma demma dem ! '' (Qu'il s'en aille) : C'est lui-même qui tend le micro au public le plus souvent. Des fois, c'est le public qui le lui impose. Et, d'autres fois, c'est en symbiose que cette revendication est scandée. En stratège de l'agit-prop, M. Seck sait chauffer la foule à blanc, susciter leur enthousiasme et lancer la phrase d'appât que l'assistance va saisir au bond pour demander le départ du candidat sortant. Une méthode qui est systématiquement de mise à chaque meeting ou caravane, et qui porte ses fruits apparemment. De telle sorte que le candidat de Bby, visé par ces huées, s'est senti dans l'obligation de répondre lors d'un meeting tenu ce dimanche à Thiès. « Ce slogan est éculé depuis 2012'', a répliqué Macky Sall.

L'autre avantage est qu'en bon orateur, Idrissa sait prendre les revendications sporadiques qui fusent de la foule en cours de meeting. «  »Oui… oui, la jeunesse et le sous-emploi, c'est déjà dans notre de redressement national'', dira-t-il avant de se lancer dans un court développement sur le sujet évoqué.

Préférence nationale : La revendication n'est pas aussi prononcée que chez Ousmane Sonko, le chantre du patriotisme économique. Mais Idrissa Seck développe également un discours sur ce thème. Quoique modéré dans ses prises de position, le candidat use à une fréquence non négligeable de cette rhétorique préférentielle. Ainsi, Idy trouve qu' » »on a besoin des investissements étrangers, mais dans le cadre d'un partenariat gagnant-gagnant. La coopération sera redéfinie, car même si l'on nous aide, il faut qu'on soit le plus gros contributeur'', avait-il déclaré mercredi dernier à Cap Skirring, dans ce qui est présenté comme le bastion du champion de ce discours. Idrissa Seck promet également de renégocier le contrat gazier avec la partie mauritanienne, malgré un accord récemment conclu entre les deux pays. Ce lundi soir, à Darou Mousty, il a également abordé ce sujet.

OUSMANE LAYE DIOP

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