COUPLAGE D’ELECTIONS, REPORT JUSQU’EN 2024 : Seydou Diouf lance le premier ballon de sonde

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Politique

 

Le député de la coalition au pouvoir a soutenu, hier, une idée bien connue de la politique sénégalaise : un pays en campagne permanente pour justifier un nouveau report ou le couplage des élections futures, en violation du calendrier républicain.

 

Sont-ils les nouveaux présidents ? Bientôt sept ans que les élus locaux occupent des postes pour lesquels ils ont été élus pour 5 ans. En l’absence d’élections depuis 2014, ils ont bénéficié de septennats réservés généralement aux chefs d’Etat. Et cela pourrait durer encore un temps. L’organisation de joutes électorales ne semble pas être la priorité sur l’agenda du pouvoir en place. En tout cas, dans le respect du calendrier républicain.

Invité à  l’émission »˜’Jury du dimanche » sur iRadio, le député Seydou Diouf a agité l’idée d’un couplage des futures élections. Une sortie du membre de la coalition Benno Bokk Yaakaar qui apporte encore plus d’incertitudes sur l’organisation d’élections reportées depuis deux ans. Au moment o๠une volonté d’empêcher leur tenue jusqu’à  la prochaine Présidentielle a été prêtée au président de la République par Me El Hadj Diouf.    

Sans respecter les échéances du calendrier électoral, le pouvoir s’exposait à  pareille situation. Le suivi du calendrier électoral forcerait l’organisation des élections locales, législatives et présidentielles en trois ans. Une perspective face à  laquelle le secrétaire général du Parti pour le progrès et la citoyenneté (PPC) a mis en garde : »˜’J’estime qu’il faut avoir une réflexion sur le séquençage de tout cela en lien avec l’obligation de mettre le pays sur le chemin du travail. Si le contexte l’exige, pourquoi pas un couplage des élections. On ne connaît pas encore la date des élections locales. Est-ce que cela va enjamber la tenue des Législatives ? Les coupler peut être une option. Une autre sera de tenir les Locales en 2022 et de coupler les Législatives à  l’élection présidentielle, en 2024. Ceci, pour éviter que le pays connaisse une élection législative à  mi-mandat d’une Présidentielle, ce qui pourrait avoir des conséquences sur le fonctionnement des institutions ».

L’allié du président de la République ouvre ainsi une brèche vers un nouveau report des élections, tout en abordant de face la possibilité qu’il y ait un couplage avec la Présidentielle de 2024. Pour le journaliste Ibrahima Bakhoum, »˜’cela peut être interprété comme un ballon de sonde. On peut parfaitement considérer que Seydou Diouf n’a pas parlé dans le vent. Il peut bien avoir donné son point de vue par rapport à  son expérience politique, tout comme il peut être en train de préparer les esprits, en attendant que d’autres viennent tenir le même discours, pour que cela prenne progressivement de l’ampleur dans l’espace public ».

»˜’Cela peut être interprété comme un ballon de sonde »

Initialement prévues en juin 2019, puis repoussées en décembre de la même année, le gouvernement s’était finalement donné jusqu’au 28 mars 2021 pour organiser les élections municipales et départementales. Ceci, avec la prorogation, par l’Assemblée nationale, des mandats des conseillers départementaux et municipaux élus le 29 juin 2014. La crise sanitaire ayant apporté un nouvel inconnu à  l’équation, nul ne sait jusqu’à  quand cette situation va perdurer.

Officiellement, c’est l’attente d’un consensus au sein du dialogue politique et l’audit du fichier électoral qui empêchent la tenue des élections locales. C’est la position défendue par le président de la République, après son adresse à  la Nation, il y a un mois. Sauf qu’un membre de la coalition au pouvoir a révélé une information de taille.   

En effet, Me El Hadj Diouf a mis en garde, en affirmant que »˜’Macky a piégé l’opposition » avec le dialogue, et que si l’on n’y prête pas attention, il n’y aura aucune élection au Sénégal d’ici la prochaine Présidentielle. L’avocat a révélé que lors d’une réunion avec ses alliés politiques, Macky Sall »˜’a dit qu’il ne souhaite pas qu’il y ait une élection au Sénégal jusqu’en 2024 ».

Pour Ibrahima Bakhoum, ces déclarations ne sont pas à  prendre à  la légère, car la politique est l’expression d’un rapport de force. De plus, précise le journaliste, »˜’Me El Hadj Diouf a donné une information. Il dit : »˜Macky Sall a dit .’ Ou le président ne l’a pas dit et je n’ai pas vu de démenti. Ou il l’a dit et il a ses raisons. Ainsi, il se donnerait des chances de rempiler, si jamais c’était son objectif. Dans tous les cas, on comprendrait qu’il ne veuille pas prendre le risque d’une mauvaise surprise, en perdant une législative, si sa coalition n’était pas majoritaire ».

Le spécialiste des questions politiques n’exclut pas la réalité qu’une succession d’élections donnerait une impression de campagne électorale permanente, mais il s’agit d’un discours des années 1990 qui a déjà  fait ses preuves, rappelle-t-il : »˜’C’est la raison qui a fait que le mandat de président de la République est passé de cinq à  sept ans, sous la présidence d’Abdou Diouf. Après ce dernier, Abdoulaye Wade l’a fait et cela continue avec le régime actuel. Il cherche à  se donner les moyens légaux de repousser les échéances et de trouver des stratégies pour conserver le pouvoir. »  

Une quinzaine de pays ont organisé des élections locales ou régionales en 2020

Qui est responsable de la situation actuelle ? Des reports des Locales, le dialogue politique, l’audit du fichier ? Malgré la pandémie du nouveau coronavirus, cette année, en Afrique, onze nations ont tenu des élections présidentielles (le Burkina Faso, le Burundi, la Centrafrique, la Côte d’Ivoire, le Ghana, la Guinée, le Malawi, le Niger, les Seychelles, la Tanzanie et le Togo) et une quinzaine de pays a organisé des Législatives ou des Régionales.

Toutefois, Ibrahima Bakhoum ne serait point surpris que la volonté au sein de la majorité est de ne point de tenir d’élections avant la Présidentielle. Ceci, en se demandant si les partis et coalitions sont prêts à  aller aux élections : »˜’Si la date de tenue des élections était fixée, tout le monde pourrait se préparer. Mais ce n’est toujours pas le cas. Et avec la Covid-19, chacun se terre et beaucoup se taisent. »   

Quelle attitude adopter alors pour l’opposition ? Rééquilibrer le rapport de force en mettant la pression sur le président de la République, analyse le spécialiste. »˜’D’abord, en mobilisant la rue contre le pouvoir. Je ne sais pas si elle en a les moyens. Ou bien renforcer le rejet du pouvoir dans la tête des gens et attendre l’arrivée des élections pour que l’expression populaire fasse la différence. »

Lamine Diouf 

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