GESTION CHAOTIQUE DES QUESTIONS FONCIERES : Macky Sall et Aliou Sall se rejettent la faute

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Politique

La question de la gestion du foncier s'est invitée hier à la célébration de la journée de la décentralisation. Le président de la République a tancé les maires et acteurs des collectivités territoriaux alors que son frère et président de l'association des maires du Sénégal, Aliou Sall a pris leur défense.

Si le pays brûle, ce sera à cause de conflits liés au foncier. C'est la conviction du président de la République qui a tenu, hier au Centre international de conférences Abdou Diouf, à attirer l'attention des maires du Sénégal sur cette question. C'était à l'occasion de la célébration de la Journée nationale de la décentralisation. Son objectif était de mettre les élus devant leurs responsabilités sur la délivrance tous azimuts de délibérations, de permis de construire dans des zones non aedificandi, etc. Car, au quotidien, révèle Macky Sall, « je ne reste pas sans recevoir plus de 20 ou 50 dossiers brûlants à travers le territoire national''.

Le chef de l'Etat a taclé ensuite les maires, remettant en cause certains aspects de leur gestion. « On vous a confié le domaine national. Cela ne veut pas dire que vous devez prendre le territoire de votre commune et le distribuer au premier venu, de façon à plonger le pays dans une situation où toute la terre va devenir privée. On ne peut plus vous laisser transférer la terre aux étrangers qui viennent et obtiennent 200, 300 ha. On ne peut pas laisser faire cette situation qui a atteint des limites que nous ne pouvons plus dépasser. Je suis d'accord pour qu'on laisse le domaine national aux élus locaux, mais avec une gestion responsable''.

Conscient qu'il y a lieu de concilier tradition et modernité, besoins locaux et intérêt national, Macky Sall a utilisé cette situation pour justifier le décret n°2020-1773 signé le 16 septembre 2020 portant modification du décret n°72-1288 du 27 octobre 1972 relatif aux conditions d'affectation et désaffectation des terres du domaine national.

L'Etat reprend la main sur l'attribution de grands domaines de terre

Dans son article 2, il est dit que « les terres de culture et de défrichement sont affectées par délibération du conseil municipal. Cette délibération n'est exécutoire qu'après avoir été approuvée par le sous-préfet, soit par le préfet de département territorialement compétent, lorsque la superficie objet d'une délibération ne dépasse pas dix (10) hectares''.

« Toutefois, dès que la superficie est comprise entre dix (10) et cinquante (50) hectares, seul le préfet du département dans lequel est géographiquement localisée l'assiette, approuve la délibération'', poursuit la disposition.

« Au-delà de cinquante (50) hectares, la délibération ne peut être approuvée que par le gouverneur de région territorialement compétent, par acte réglementaire enregistré au niveau du Secrétariat général du gouvernement'', précise le texte de loi.

« 88 milliards de F CFA de dédommagements entre Dakar et Diamniadio''

Pour le chef de l'Etat, l'intérêt est de réduire les dépenses évitables pour le gouvernement. Car, révèle-t-il, pour le Ter, nous avons payé plus de 88 milliards de francs CFA de dédommagements, entre Dakar et Diamniadio, pour des gens qui se sont installés parfois dans le domaine ferroviaire. Lorsque le paiement des impenses devient aussi cher que le projet, cela veut dire que nous avons renoncé au développement. Je suis déterminé à mettre fin à ces spéculations foncières qui mettent à la charge de l'Etat des dépenses indues en parasitant des projets d'infrastructures publiques''.

Les remontrances ne s'arrêtent pas là. Le président n'a pas du tout été tendre avec ceux qui délivrent les permis de construire. « Je ne dis pas que leur délivrance est le seul domaine de maires, car l'Administration territoriale est impliquée. Mais cela doit être revu. On octroie des permis dans des cuvettes où des gens construisent et se retrouvent ensuite sous les eaux en hivernage. Après, c'est l'Etat qui est pointé du doigt, alors que ce lotissement n'aurait jamais dû être autorisé. C'est un combat que les élus doivent porter, car il s'agit du cadre de vie'', recadre-t-il.

Mais, à l'applaudimètre, son frère l'a certainement battu. Son rang de président de l'Association des maires du Sénégal aidant, dans une salle remplie d'élus territoriaux, Aliou Sall a pris, sur cette question, le contrepied du président de la République.

« Nous savons tous, en tant qu'acteur, que les permis de construire constituent une compétence pour les maires. Mais les dossiers sont en réalité instruits par les services techniques de l'Etat. Et sur ce point, ce n'est pas parce qu'il y a de la mauvaise volonté de certains maires qu'il faut retirer la compétence aux collectivités'', défend-il.

« L'Etat a le vrai pouvoir, en matière attribution des terres''

Concernant l'octroi des terres, le président de l'AMS lance au président que « la stigmatisation des maires n'est pas productive. Nous savons tous qu'il n'est pas possible, pour un maire, de vendre des terres sans l'autorisation de l'Administration territoriale. Les délibérations sont approuvées par le préfet ou le sous-préfet. L'Etat a le vrai pouvoir en matière d'attribution des terres. Qu'on nous appelle à être plus regardants sur les intérêts nationaux, mais les premiers à être interpellés sont les agents de l'Etat''.

Cependant, le président de l'AMS n'a pas manqué de féliciter le chef de l'Etat sur sa vision de la décentralisation, à laquelle il rappelle la « parfaite adhésion'' de l'association qu'il dirige à « cette brillante initiative qui contribuera à ouvrir un nouveau chapitre plus fécond dans notre commune aspiration à ne laisser aucun de nos concitoyens de côté''. Aliou Sall a rappelé qu'un nombre conséquent d'avancées majeures a été noté sous le magistère du président Macky Sall. « Les transferts de l'Etat vers les collectivités locales, en termes de fonds de fonctionnement et d'investissement sont passés du simple au double. En raison de la territorialisation de certaines politiques publiques, les conventions signées entre le Fera (Fonds d'entretien routier autonome) et 101 collectivités territoriales ont permis de créer 5 000 emplois'', assure M. Sall.

L.DIOUF

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