MAMADOU LAMINE KEITA, MAIRE DE BIGNONA – «Le Pds est dans une coalition où il joue les derniers rôles»
Politique

L'OBS – Maire de Bignona et membre du groupe des «réformateurs» dirigé par Modou Diagne Fada, Mamadou Lamine Keïta parle de l'actualité des signataires du Mémorandum dans cet entretien. Il évoque également leurs relations avec le coordonateur du Pds, Oumar Sarr, qui, selon lui, n'est pas l'homme qu'il faut pour diriger le parti.On n'entend plus les «réformateurs» du Pds depuis un certain temps, pourquoîC'est peut-être vous qui ne nous entendez pas, mais ceux qui sont les cibles de notre communication nous entendent, à savoir les responsables et militants du Pds. Il faut préciser que nous avons posé un débat très sérieux pour l'avenir du parti et ce débat ne peut pas se mener dans l'agitation et le populisme. Pour nous, l'objectif est de convaincre les militants, les responsables, Me Wade en premier, de la nécessité de réorganiser notre parti, de lui donner un souffle nouveau, de rajeunir son management et son leadership, de reconsidérer les choses en donnant plus de considération à ceux qui se battent et mettre fin au clientélisme. C'est ça le débat que nous posons au sein du parti, et les militants de la base au sommet sont suffisamment lucides pour qu'à chaque niveau, ils puissent choisir les responsables à leur convenance. Il n'est pas dit qu'en cas de renouvellement, ceux qui posent le débat vont bénéficier de la confiance des militants. Nous continuons à mener ce débat, et nous continuons à parler tous les jours avec les militants, nous recevons des délégations, nous nous déplaçons à l'intérieur du pays, nous parlons à ceux dont la voix compte dans le Pds. Pour nous, c'est ce qui est important et nous faisons ce travail sans agitation inutile et sans populisme.Et où en êtes-vous actuellement, avez-vous des retours positifs?Aujourd'hui, dans toutes les localités du Sénégal, les militants qu'on avait essayé d'abuser en leur faisant croire que le débat que nous posons vise Me Wade, ont lu le Mémorandum et ont compris. Pour l'essentiel, ils se reconnaissent dans ce débat et on signé. Partout dans les fédérations et les sections, les militants sont en train de signer pour manifester leur adhésion au contenu du Mémorandum. Pour nous, c'est ce qui est important et nous irons vers d'autres paliers, parce qu'un parti, c'est un bien collectif qui ne peut pas être accaparé par un groupuscule qui en fait ce qu'il veut, qui organise des tournées ou des meetings en excluant des leaders et responsables du parti, pour après leur attribuer l'échec et le fiasco des manifestations. Cela ne peut pas continuer.Et vous faites allusion à qui exactement?Mais à ceux qui, en l'absence de Me Wade, tiennent les rênes du parti. Comment pouvez-vous comprendre qu'on organise une tournée du front (Fpdr), dans lequel le Pds est le parti majoritaire et devait être la locomotive, mais passe comme inexistant? Cela pose un véritable problème. En 2000, pour aller au pouvoir, tous les leaders de l'opposition ont renoncé à leurs ambitions présidentielles pour se retrouver autour d'Abdoulaye Wade, pour deux raisons fondamentales. La première, c'est qu'ils étaient conscients que le Pds était le parti le plus fort de l'opposition d'alors. Deuxièmement, ils étaient tous convaincus du charisme et du leadership de Me Wade. Ils ont été conséquents et lucides, ils se sont retrouvés autour de Me Wade et nous avons gagné. Aujourd'hui, dans une perspective de constituer un front qui va être l'alternative à Benno bokk yaakaar et à l'Apr, le Pds qui est le parti le plus fort sur l'échiquier national est dans une coalition où il joue les derniers rôles. Quand le Fpdr se rend dans une localité, tous les militants qui sortent sont du Pds, et pourtant le Pds joue les derniers rôles. Ce sont d'autres qui sont mis en vedette, et cela pose le véritable problème du leadership. Cela veut dire qu'aujourd'hui, Me Wade n'a pas la disponibilité pour gérer le parti, mais le choix qu'il a opéré pour le suppléer est un choix qui ne fonctionne pas. C'est un choix qui n'est pas accepté et qui ne repose sur aucun charisme et aucun leadership. Et cela va tuer le Pds.Donc pour vous, Oumar Sarr n'a pas le charisme qu'il faut pour diriger le Pds?Sur cette question, je suis d'accord avec Farba Senghor, Oumar Sarr n'a pas les qualités pour impulser et propulser le Pds vers des victoires, vers un sursaut. Ce n'est pas l'homme qui va nous apporter cela, et si on ne corrige pas cela tout de suite, on va droit dans le mur. Aujourd'hui, on reproche à certains responsables de n'être pas allés au meeting du 21 août dernier, mais depuis que nous avons perdu le pouvoir, toutes les grandes manifestations qui se sont tenues ont été précédées d'une réunion préparatoire. En dehors du Comité directeur, une réunion s'est toujours tenue au domicile de Me Wade entre les responsables pour préparer sérieusement la manifestation. Mais pour cette fois-ci, Oumar Sarr a refusé de convoquer tous les signataires du Mémorandum. Nous avons donc choisi de les regarder faire. Et au moment où tout le monde est unanime que cela a été un fiasco, ils disent que c'est parce que des responsables ont boycotté. Mais comment pouvez-vous être le coordonateur du Pds, engager le parti dans une bataille, et parce que vous n'êtes pas d'accord avec des membres du parti sur des options internes, vous vous réunissez pour préparer une rencontre en les excluant? Et ensuite, vous voulez qu'ils viennent à cette manifestation, pour y faire quoi et dire quoi ? Nous ne sommes quand même pas des enfants, nous sommes des responsables et nous comptons le demeurer. Oumar Sarr n'a qu'à continuer sa démarche, et on verra ce que ça va apporter au parti.Mais vous demeurez membres du Pds, pourquoi ne pas participer aux manifestations, même si vous n'êtes pas convoqués?Oumar Sarr n'est pas plus responsable que moi, il ne contribue pas plus que moi au rayonnement du Pds. Il ne peut pas convoquer plusieurs réunions préparatoires d'une manifestation, réunions auxquelles j'ai toujours été convoqué avant la publication du Mémorandum, ne pas m'informer et vouloir que j'assiste à cette manifestation. Je ne contribue pas au succès d'une telle manifestation, je suis désolé. Je mène ma bataille pour la libération de Karim Wade, j'ai été dans mon fief récemment, j'ai fait mes activités avec mes militants et je continue de mener la bataille à ma manière. Mais jamais en m'alignant derrière Oumar Sarr et en adoptant son style de management qu'il veut imposer au parti, nous ne l'accepterons pas.Qu'est-ce que vous reprochez exactement à Oumar Sarr?De faire dans l'exclusion, c'est tout. Il fait dans l'exclusion et cela, nous ne l'accepterons pas. Il peut ne pas être d'accord avec moi ou avec Fada sur le débat que nous posons, mais c'est un débat intellectuel, interne et nous appartenons tous au parti. Si Me Wade lui fait confiance pour coordonner les activités en son absence, même si nous ne sommes pas d'accord, il doit nous convier sur les grandes questions qui interpellent le parti. Ne pas le faire, c'est faire de l'exclusion. Oumar Sarr doit savoir qu'il n'a pas des gens incapables en face de lui. Et sur cette question, on se battra.Vous estimez qu'Oumar Sarr est le problème, mais pourtant Me Wade l'a renforcé en le nommant Secrétaire national adjoint Oumar Sarr est un des problèmes. Et cela a été possible parce qu'on n'a pas procédé à ce que nous avons demandé, c'est-à-dire un renouvellement démocratique. Quand nous avons perdu le pouvoir en 2012, j'ai dit à Me Wade que les résultats que le Pds avait obtenus en Casamance auraient pu le faire gagner, mais malheureusement, nous étions les grands oubliés. Il m'avait promis d'y remédier lors des Législatives, mais les lobbies l'ont orienté ailleurs. Et c'est ça le problème, ceux qui travaillent pour le parti ne sont pas récompensés à cause du clientélisme. Et c'est contre cela qu'on se bat, c'est pour cette raison que j'ai signé le Mémorandum, pour qu'on mette les gens qu'il faut à la place qu'il faut. Le jour où on le fera, il n'y aura plus tous ces problèmes, parce que celui qui sera choisi, bon ou mauvais, sera le choix des militants. Mais ce qui se fait actuellement est regrettable parce qu'on est en train de donner la possibilité à des gens d'exclure d'autres, pourtant aussi importants qu'eux dans le parti.Après le verdict de la Cour suprême, Me Wade a appelé à organiser la résistance, comment analysez-vous celàMais nous n'avons pas attendu l'appel de Me Wade pour nous battre. En 2012, à la perte du pouvoir, au moment où les adultes qui étaient poursuivis pour enrichissement illicite se sont emmurés dans le silence, ce sont nous les plus jeunes, tels que Fada, Abdoulaye Sow, Abdou Khafor Touré, Tafsir Thioye et moi-même qui nous sommes mobilisés pour nous battre dans les médias. Nous avons dit et répété qu'il y avait un acharnement contre Karim Wade, et nous continuons à tenir ce discours. Nous sommes dans ce combat et nous y demeurons, nous n'avons pas attendu l'appel de Me Wade pour le mener. Maintenant, le parti est un bien commun, nous ne laisserons personne en faire ce qu'il veut. Le parti doit devenir ce que les militants veulent qu'il soit.La Commission de discipline du Pds avait entamé des auditions pour entendre certains signataires du Mémorandum avant de suspendre la procédure, qu'en est-il présentement?Oui on attendait les convocations. Personnellement, je n'en ai pas reçu. Je ne sais pas pourquoi ils ont arrêté.Une plainte avait aussi été annoncée contre cette Commission de discipline, a-t-elle été déposééLes plaintes étaient individuelles en réalité. C'est-à-dire, si quelqu'un recevait une convocation dans laquelle un certain nombre d'accusations étaient portées contre lui, il pouvait saisir la justice à titre personnel, s'il se sentait diffamé. C'est ce qui était en train d'être fait, les frères qui avaient reçu des convocations ont tenu à porter plainte, c'étaient des actions individuelles.ADAMA DIENG
O commentaire