Baisse Du Loyer

Par , publié le .

Société

Assise dans sa gargote, la
quarantaine bien sonnée, Haby Kébé esquisse un large sourire, rien qu'à
l'évocation de la baisse des prix des loyers. A l'image de Haby, ils
sont nombreux dans la proche banlieue de Dakar à accueillir cette mesure
favorablement, comme aux Parcelles Assainies, même si des promoteurs
insistent toujours sur le côté pervers de la loi.

‘'C'est une bonne chose. Le gouvernement
vient de faire un grand effort d'allègement de la cherté de la vie pour
les ménages'', se réjouit Haby Kébé.

Elle a le sentiment de vivre un rêve, rien qu'à l'idée de pouvoir
faire une économie de 24 000 francs sur le prix de la location de son
appartement sis à l'unité 6 des Parcelles Assainies. Au lieu des 80 000
francs qu'elle déboursait, désormais elle ne paiera que 56 000 par mois.
‘'Le montant qu'on va économiser pourra servir à payer la scolarité de
ma fille ou acheter plus de viande, en un mot améliorer notre
quotidien'', se projette-t-elle déjà.

Comme elle, Ndiagne Fall, 27 ans, vendeur de ‘'café Touba'' à l'unité
19 des Parcelles Assainies, salue cette mesure qui va le débarrasser
des angoisses de fin du mois lorsqu'il faut s'acquitter des 25 000
francs pour la location d'une chambrette à l'unité 17. ‘' Je me suis
déjà informé, il paraît que si on applique la baisse, je dois payer 17
000 francs. Cela montre que l'espoir que nous avions placé en Macky
Sall est en train de prendre forme'', fait-il observer, tout aussi
souriant.

‘'La hausse sur les loyers était exagérée. J'aimerais rencontrer Macky
Sall pour le remercier de vive voix d'avoir ramené les prix à des
proportions raisonnables'', commente-t-il, tout en servant du café à des
clients.

‘'Aujourd'hui, n'importe qui peut rêver devenir propriétaire un jour,
alors que si les prix étaient restés comme avant, on n'aurait pas droit à
ce rêve'', martèle-t-il.

Comme lui, Cheikh Seck, 39 ans, chauffeur de taxi, originaire de Dramé
Escale dans la région de Kaolack (Centre) renchérit. ‘'C'est une bonne
chose.
On voit que le président de la République est animé par le souci
d'aider les couches diminues'', reconnaît-il, heureux de ne plus payer
que 17 000 francs contre 25 000 pour une chambre à l'unité 16 des
Parcelles Assainies. ‘'J'ai déjà saisi mon bailleur sur la mesure et il
est d'accord'', ajoute-t-il.

Mor Ali Diop, un jeune propriétaire qui a hérité de la maison de ses
parents à l'unité 16 ne voit aucun inconvénient au sujet de la baisse.
‘'Je trouve que c'est une très bonne chose. C'est un geste de
solidarité. Cela n'est pas du goût de tous les propriétaires. Mais tout
le monde était conscient qu'il fallait desserrer un peu, car cela
devenait intenable pour les locataires''.

Tout en étant d'accord sur le principe de la baisse, Moussa Camara, un
retraité qui a une maison, qu'il ne loue pas, relativise un peu
l'enthousiasme de certains.
‘' La loi cherche plus à protéger les
locataires que les promoteurs. Il y a une certaine précipitation dans
l'application de la loi. Ce qui augure de nombreux conflits entre
propriétaires et locataires. Sou peu, les postes de police seront
débordés'', prévient-il.

Mamadou Lamine Niasse, un enseignant à la retraite, devenu ‘'courtier'',
n'est pas contre la baisse, même si celle-ci occasionnerait un manque à
gagner pour lui.

‘'Cette baisse devait arriver depuis un bon moment'', estime-t-il,
soulignant qu'il devait y avoir des mesures d'accompagnement comme la
diminution de l'impôt sur le foncier payé aux communes par les maisons
habitées par leur propriétaire et l'impôt sur le revenu sur les maisons
à usage de location collecté par l'Etat.

Il craint qu'en représailles contre la mesure, certains propriétaires
refusent de donner leurs maisons en location. ‘'Je connais des
propriétaires qui ont refusé de donner leurs maisons en location,
préférant les fermer ou donner cela à des proches'', lâche-t-il, du bout
des lèvres.

Oumar Ba, un riche promoteur immobilier établi aux HLM Grand-Médine,
embouche la même trompette. ‘'Je connais deux à trois promoteurs qui ont
décidé de ne plus construire des maisons à usage de location ‘',
signale-t-il.

Bâ met en garde les autorités contre ‘'le risque d'une pénurie de
logements'' à l'avenir, lorsqu'il y aura de nouveaux demandeurs.
‘'C'est une baisse imposée. On peut nous tordre le bras pour diminuer,
mais on ne peut pas nous obliger à construire. Ce qui fait que c'est
l'effet contraire qui va se produire. Jusqu'ici, on ne connaît pas de
sans abris à Dakar, parce qu'il y a le privé qui construisait encore des
maisons'', dit-il.

Selon lui, ‘'ceux qui construisent ne vont plus le faire. Parce que pour
eux l'immobilier n'est plus rentable. Et si les promoteurs ne
construisent plus, il y aura une pénurie de logements pour les nouveaux
demandeurs''.
‘'En ce moment, le prix de la location va flamber encore plus. Et cela
peut avoir des conséquences fâcheuses sur ce secteur qui était
jusqu'ici le plus dynamique de l'économie avec à la clef des pertes
d'emplois directs ou indirects comme les charretiers, camionneurs, les
maçons, ferrailleurs, entre autres'', avertit le promoteur immobilier,
catastrophiste.

Pour lui, ‘'ceux qui disent qu'il y a une spéculation sur les loyers ont
tout faux ‘'. ‘'Ce qui coûte cher, fait-il remarquer, c'est moins le
ciment et les matériaux de construction que les terrains. Les terrains
coûtent excessivement cher''.
A titre illustratif, il fait remarquer qu'aux Parcelles Assainies, le
terrain de 150 mètres carrés coûte entre 25 et 30 millions de francs
CFA. ‘'Et sur ce terrain, on ne peut construire que quatre chambres et
un garage pour un coût de 12 millions pour un R +1. La maison vous
revient au totale entre 37 et 40 millions.

Dans ces conditions, explique Oumar Bâ, le prix de revient d'une chambre
est de 10 millions. ‘'Supposons que le propriétaire loue la chambre à
25 000 francs par mois, il lui faut prés de 33 ans pour amortir son
investissement. C'est cela le problème'', précise-t-il. Toutefois, il
est d'avis que ‘'la philosophie qui sous-tend cette baisse est
intéressante''.

La loi sur la baisse du loyer à Dakar et dans les régions a été publiée
dans le Journal officiel dans un numéro spécial en date du 22 janvier
2014.

Désormais, les prix des loyers des baux à usage d'habitation à
l'exclusion de ceux dont la fixation a été obtenue suivant la méthode de
la surface corrigée sont baissés comme suit : 29% sur les loyers
inférieurs à 150 000 francs ; 14% sur les loyers compris entre 150 000
francs CFA et 500 000 francs CFA et 4% sur les loyers supérieurs à 500
000 francs CFA.

Selon l'article 3 de ladite loi, ‘'toute violation de la présente loi
expose son auteur à des sanctions prévues par la loi N° 81-21 du 25 juin
1981 réprimant la hausse illicite du loyer des locaux à usage
d'habitation''.

O commentaire

Laisser un commentaire

Votre email ne sera pas publié. Champ obligatoire (*)