HABILLEMENT ET COIFFURES DE FEMME D

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Société

«Le modèle esthétique qu'ont connu nos grands-parents n'est plus d'actualité. On est au troisième millénaire et c'est la modernité qui prévaut sur tout. Nous vivons dans un monde globalisé, grâce aux médias et avec le développement des technologies de l'information et de la communication, rien de ce qui se passe ailleurs ne nous est inconnu, des vêtements en vogue jusqu'à la dernière tendance en coiffure», tels sont les propos de Ama Fall, une jeune fille moulée dans un pantalon Jean avec son chemisier et très bien coiffée. Rencontrée à l'unité 14 des Parcelles assainies, renseignant sur l'oubli ou le déni de l'esthétique traditionnelle sénégalaise, elle déclare: «Nos grands-mères et nos mamans, que nous traitons de démodées dans notre Sénégal moderne étaient de coquettes jeunes filles avant l'indépendance. Elles prenaient soin d'elles de la tête aux pieds et vivaient pleinement leur jeunesse.

Mais, ajoute en guise de précision Mère Khady Sarr, septuagénaire : «en ne sortant pas du cadre traditionnel et dans le plus grand respect de nos valeurs que sont le ‘kersa' (pudeur) et le ‘ngor' (dignité). La jeunesse, à mon époque, n'a rien à voir avec celle de nos jours. Il n'était pas question pour une jeune fille de mon époque de s'habiller n'importe comment. On était très respectueuse de notre corps et de notre féminité», se remémore Mère Sarr.?Elle confie : «Il était impensable pour une jeune fille d'exhiber son corps, comme le font certaines, aujourd'hui, sans la moindre gêne. Au contraire, il fallait au mieux couvrir sa plastique, la mettre à l'abri des regards indiscrets. Mais cela ne nous empêchait pas d'avoir de beaux tissus et de les faire coudre de la plus belle des manières. Le modèle que s'arrachait les jeunes filles était la camisole, ce que vous appelez ‘Ndokéte' (pagne sur lequel on fait passer une longue robe carrée cousue avec ou sans motifs)», indique la vieille dame.

Les tresses permettaient de faire le distinguo entre la femme mariée et celle qui ne l'était pas

De son temps, dit-elle, leur façon de s'habiller et de se coiffer est tout à fait différente de ce que l'on voit actuellement. «On portait de très belles tenues et pour la coiffure, on ne s'encombrait pas de perruques, de greffage ou de tissages (rajouts sur les cheveux pour faciliter la coiffure). On se faisait de belles tresses avec de la laine ou avec une matière qu'on appelait «Yoss», c'est l'équivalent de vos mèches aujourd'hui. Et on y fixait des pièces de Libidor pour la décoration. Les coiffures étaient multiples et chacune avait une signification bien précise», renseigne-t-elle. A preuve, précise-t-elle, «une jeune fille pubère ne se tressait pas comme une jeune femme mariée. Elle portait des tresses qu'on nommait «Ngouka». Ce sont des tresses qui étaient faites de sorte à ce qu'on puisse la distinguer de la femme mariée qui, pour sa part, avait des modèles de coiffures qui lui étaient propres. On parvenait aussi à distinguer la femme de la fille nubile par le foulard», souligne Mère Sarr.

Parlant toujours de cette période d'avant les Indépendances, elle souligne : «A notre époque, une femme mariée n'osait jamais se montrer la tête nue. C'était prohibé, donc très mal vu. Elle faisait de belles tresses, mais nouait toujours son foulard et c'était magnifique». Puis, elle releve des changements de comportements entre les générations d'avant et d'après l'indépendance.

«Les temps ont bien changé, actuellement, il est fréquent de voir des femmes quarantenaires, mères de grands enfants, se promener sans se couvrir la tête. De notre temps, la belle-famille pouvait rentrer dans une colère noire, rien que pour cela», confie la dame.

«Les filles d'aujourd'hui ont abandonné nos us et coutumes, ce qui est regrettable»

Nostalgique de la période où elle était encore jeune, Mère Sarr de poursuivre : «Les filles d'aujourd'hui ont abandonné notre Cossaan et notre «Aada (us et coutumes), ce qui est regrettable. Elles ne s'en rendent pas compte, mais ça leur nuit. Toutes les choses négatives que l'on remarque, de nos jours, c'est parce qu'on a laissé notre voie. Et on a emprunté une autre qui ne nous appartient pas. Des jeunes filles qui laissent leur nombril et leur poitrine à la portée de tous les regards, des femmes mariées qui se promènent tête nue, moi cela ne m'étonne pas qu'il y ait des drogués et des agresseurs dans la société actuelle». La femme n'a de plus cher et de plus valeureux que son corps, il faut le préserver si on veut mettre au monde des enfants valeureux».

Mère Seck, est de l'ethnie peulh. Intervenant sur ce sujet, elle est allée dans le même sens que son prédécesseur. «A notre époque comme, vous aimez à le dire, il n'y avait pas de salons de coiffure comme aujourd'hui. Une jeune fille, le jour de son mariage restait chez elle. On la tressait et on agrémentait sa coiffure avec des perles. Même son visage était couvert d'un tissu léger et un pagne tissé protégeait sa tête. C'était tout simplement inimaginable de voir une jeune femme sortir de chez elle, pour aller se faire coiffer. La tradition voulait qu'elle reste toute la journée dans une chambre, en compagnie de ses amies qui chantaient et dansaient pour elle. C'est dans la soirée, qu'elle allait rejoindre le domicile conjugal. Et durant un mois, elle ne pointait pas le bout du nez dehors. On s'occupait d'elle. On cuisinait pour elle et on la massait avec du beurre de karité ou avec le ‘daax' (la crème qui couvrait la surface du lait de vache). Même l'eau qu'elle buvait était parfumée de ‘sep et de gowé' et ne se lavait qu'avec de l'eau tiède. Quand elle ressortait tout le monde se bousculait chez elle pour la voir, parce qu'elle ressortait avec une peau extrêmement lisse, un teint uniforme. Bref avec une beauté spectaculaire».

Avec des jeunes filles qui s'exhibent, pas étonnant qu'il y ait des drogués

Mais tout cela n'existe plus hélas, les jeunes d'aujourd'hui passent leur temps à déambuler dans le quartier le jour de leur mariage à visage découvert. Ils vont dans des hôtels, aucune aînée n'accompagne la jeune fille fraîchement mariée, pour l'orienter et la conseiller dans sa nouvelle vie. Elles ne comprennent rien. Résultat, les couples ne tiennent pas, nous les vieilles on ne nous consulte pas et on ne nous écoute même pas quand on prodigue des conseils. Cela, sous prétexte que les temps ont changé, les temps ne changent pas, seules les personnes changent et cette génération s'est profondément transformée et de la plus mauvaise des manières, c'est regrettable», déplore Mère Seck.

Agée de plus de 70 ans, elle estime que «tant qu'on ne revient pas à ce qui se faisait avant, les choses n'évolueront pas pour la jeune génération. La modernité, ce n'est pas pour nous, laissons-la aux Occidentaux et suivons l'exemple tracé par nos aînés. La seule issue, c'est d'emprunter la voie tracée par nos aînées. Toute autre voie mènerait à une impasse», conclut-elle.

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