Diego Maradona, l’impact d’un ange démon sur le continent africain

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Dakar, 1-er déc (APS) – La légende argentine Diego Maradona, dont le génie footballistique peu égalé a impacté le football mondial, a influé sur l’Afrique à la mesure de l’ambiguïté de son personnage, par ses hauts faits d’armes mais aussi ses déclarations, certains de ses comportements pouvant apparaître clivants, des choses et d’autres qui ont contribué à faire bouger les lignes du ballon rond sur le continent.

La Coupe du monde 1986 par exemple, celle qui va consacrer la légende de Maradona, est une date intéressante pour l’Afrique en ce que le Mondial de cette année-là a fait se rencontrer le génie maléfique de la star argentine et l’arbitre tunisien Ali Bennaceur, préposé au sifflet lors du quart de finale ayant opposé l’Albiceleste à l’Angleterre (2-1).

Le but de l’ouverture du score, marqué par Maradona de « la main de Dieu », a valu à l’arbitre tunisien quolibets et commentaires désobligeants de certains médias, dont certains étaient allés très loin jusqu’à s’interroger sur le bienfondé de la décision de la FIFA de désigner « un Africain pour un si important match ».

L’ancien commentateur de la chaîne privée française TF1, Thierry Roland, en particulier, n’était pas allé avec le dos de la cuillère, quand il a osé dire : « Vous ne croyez pas honnêtement, que dans un monde grand comme il est, il n’y a pas autre chose qu’un arbitre tunisien pour diriger un quart de finale de la Coupe du monde ? ».

Des jugements que M. Bennaceur a d’ailleurs déploré : « On n’a pas critiqué ma prestation, on a critiqué mon pays, en disant que la Tunisie c’est du sable, c’est du désert ».

« Pour les connaisseurs, qui savent les instructions de la FIFA, ils savent que j’ai rempli ma mission et je suis fier, fier de faire un match pareil avec ce niveau-là. J’ai fait ce que je devais faire, mais il y a eu confusion. Dotchev (son arbitre assistant) a indiqué plus tard qu’il avait vu deux bras, et il ne savait pas si c’était celui de (Peter) Shilton (le gardien anglais de l’époque) ou de Maradona », a rappelé le sifflet tunisien dans des propos rapportés par le site du quotidien sportif français L’Equipe.

Il reste que ce but a changé le cours de ce quart de finale de la Coupe du monde 1986 et fait couler beaucoup d’encre, faisant pleuvoir des critiques sur l’arbitrage africain et les arbitres du continent présumés de mauvaise qualité dans certains cercles du football mondial.

La FIFA, certainement pour battre en brèche de telles idées, n’en a pas démordu et a désigné en 1998, lors de la finale France-Brésil (3-0), l’arbitre marocain Said Belqola.

Ces dernières années, d’autres officiels africains ont été poussés vers le Graal à l’image du Sénégalais Malang Diédhiou, désigné arbitre remplaçant lors de la petite finale, le match de classement du Mondial 2018 ayant opposé la Belgique à l’Angleterre.

Si cette main de Maradona a placé l’Afrique sous le feu des projecteurs même de manière indirecte et ambigüe, mais c’est véritablement la victoire (1-0) des Lions Indomptables du Cameroun contre l’Argentine, champion du monde en titre à l’ouverture du Mondial 1990 en Italie, qui a confirmé les progrès du football africain. Une tendance confortée par l’équipe camerounaise quart de finaliste de cette compétition.

Une première dans l’histoire du football africain, bien des années avant l’épopée sénégalaise au Mondial 2002 dont les Lions ont également atteint les quarts de finale, le Ghana réussissant le même parcours 8 ans après, en 2010.

La rencontre Argentine-Nigeria de la Coupe du monde 1994 est venue attester définitivement l’idée que le football africain est désormais armé pour boxer avec les meilleurs du monde.

Si les Super Eagles ont baissé pavillon (1-2) contre l’Albiceleste grâce à deux buts de Claudio Caniggia (26 et 29-ème), ils ont quand même réussi à toucher du doigt le haut niveau mondial et ses exigences.

Après avoir ouvert le score grâce à Samson Siasia, le Nigeria s’est fait rejoindre et dépasser, mais il a donné l’impression de pouvoir tutoyer la sélection argentine.

Les leçons de cette rencontre ont permis au Nigeria de remporter la médaille d’or du tournoi de football masculin des Jeux olympiques de 1996 à Atlanta (USA), deux ans plus tard avec quasiment le même groupe de joueurs.

Concernant la star argentine, le Mondial 1994 va rester comme celle ayant consacré la sortie de route de Maradona du paysage du football, quand il a été contrôlé positif à un produit prohibé lors de la compétition.

Des années plus tard, en 2018, lors du Mondial tenu en Russie, le côté sombre de Diego Maradona sera davantage mis en exergue lors d’un match contre le Nigeria.

En tribune officielle, Maradona avait essayé de porter à sa manière l’Argentine au cours d’un match décisif contre le Nigeria (2-1), « alternant danse avec une supportrice nigériane, célébration euphorique, sieste alanguie et doigts d’honneur brandis à la caméra pour célébrer le but victorieux » argentin.

L’Afrique se souvient par ailleurs de son expérience sur le banc de la sélection entre 2008-2010, qui comptait dans ses rangs Lionel Messi et d’autres grands footballeurs argentins, sans plus de garantie pour l’Albiceleste, complètement passée à côté de son sujet.

Lors de cette coupe du monde la première et encore unique jouée sur le continent, en Afrique du Sud plus précisément,l’Argentine n’avait non seulement pas fait le poids contre l’Angleterre en quart de finale (0-4), mais surtout Diego Maradona a montré tout son côté sombre en se braquant et en insultant des médias remettant en cause sa science du coaching.

Du positif, il y en a pourtant dans les rapports de Maradona avec le continent africain, celui que l’Argentine a porté en terre jeudi dernier.

Par exemple, il a eu une attitude de grande classe à travers les propos qu’il a tenus à l’endroit du Sénégalais Kalidou Koulibaly (Naples), objet d’insultes racistes en Italie.

Alors que plusieurs voix du football mondial ont préféré regarder ailleurs, El Pibe Del Oro, a apporté son soutien à Koulibaly et critiqué face aux médias le football italien qui ne fait rien pour en finir avec le mal du racisme.

Le défenseur capitaine des Lions n’a pas oublié cet épisode en twittant ’’merci’’ à l’annonce de la disparition de la légende, idole de Naples, son club actuel.

Kalidou a fait mieux en termes de symbole, avec ses coéquipiers, le jour de l’enterrement de Diego Maradona, en arborant des maillots floqués du nom de la légende argentine, au moment d’entrer sur la pelouse pour un match de Ligue Europa.

Maradona a remporté deux titres de champion d’Italie avec Naples en 1987 et en 1990 et une Coupe de l’UEFA en 1989. Cette dernière compétition n’existe plus et a été remplacée par la Ligue Europa.

Plus généralement, Diego Maradona s’est souvent battu aux côté des gens les plus démunis. Il y a surtout, en termes de symbole, la visite qu’il a rendue à Ali Bennaceur lors d’une opération promotionnelle en Tunisie. D’aucuns y verraient une manière d’expier sa faute de 1986.

A cette occasion, Maradona a dédicacé un maillot pour Bennaceur, avec les mots suivants : « To my eternal friend Ali » (À Ali, mon ami pour l’éternité). Il a même passé l’après-midi avec son épouse au domicile de l’arbitre à Tunis.

« On a passé un moment agréable, je lui ai dit que ce jour-là, ce n’était pas l’Argentine qui avait gagné, mais lui, Maradona. C’était un génie, une légende du football », a dit l’ancien arbitre tunisien cité par le site du quotidien sportif français, L’Equipe.

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