Plainte en diffamation sur fond d'ACTA : Bercy 0, Ligue Odebi 1

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La procédure en diffamation lancée contre deux protagonistes de la Ligue Odebi vient finalement d'aboutir à une relaxe. Une lanceuse d'alerte, Émilie Collin et Thibault Lesage, responsable technique du site, avaient été mis en cause pour un texte où deux hauts fonctionnaires de Bercy étaient accusés d'être négociateurs français d'ACTA, le traité anti-contrefaçon.

La procédure en diffamation lancée contre deux protagonistes de la Ligue Odebi vient finalement d'aboutir à une relaxe. Une lanceuse d'alerte, Émilie Collin et Thibault Lesage, responsable technique du site, avaient été mis en cause pour un texte où deux hauts fonctionnaires de Bercy étaient accusés d'être négociateurs français d'ACTA, le traité anti-contrefaçon. Vendredi dernier, la 17e chambre du tribunal de grande instance de Paris a finalement relaxé Émilie Collin pour son texte posté sur le blog du site de la Ligue Odébi. En plein débat sur le traité anti-contrefaçon, celle-ci citait les noms de deux conseillers techniques de Bercy, Patrice Guyot et Jean-Philippe Muller, sous un article intitulé « ACTA : mais où est caché Charly ? » Dans une note de bas de page, elle saupoudrait leur CV de contenus fleuris, les accusant de liens étroits avec l'industrie agroalimentaire ou celle de la pharmacie. Deux univers frappés directement par les dispositions du traité ACTA. Ces faits étaient « susceptibles de renfermer des allégations et des imputations de faits de nature à porter à l'honneur et à la considération » ont estimé les deux hauts fonctionnaires de Bercy qui attaquaient en diffamation. Ils réfutaient notamment cette casquette de négociateurs, affirmant n'avoir eu qu'un rôle subalterne dans ce dossier. C'est ce que nous résumait la principale mise en cause et qui ressortait également d'une procédure similaire lancée contre l'association Act Up. On ignore pour l'instant les causes de la relaxe d'Émilie Collin. On se souvient pour l'heure que le ministère public, avant le jugement, avait considéré qu'il s'agissait là de jugement de valeur, non de diffamation (notre actualité). Autre chose, les noms de ces deux négociateurs avaient été lâchés à maintes reprises sur les réseaux, que ce soit sur Twitter ou dans la presse en ligne.La mise en cause de Thibault Lesage était pour le moins épineuse. Trois arguments ont été plaidés par Me Olivier Iteanu, lequel a assuré sa défense. Les deux hauts fonctionnaires avaient obtenu une réquisition judiciaire sur les serveurs loués chez OVH par la Ligue Odébi. Le nom de Thibault Lesage apparaissait alors au titre du contact technique. Pour sa part, la Ligue Odébi, simple association de fait, n'avait désigné aucun directeur de publication ni de président. Du coup, il était poursuivi comme directeur de publication alors qu'il n'était pas dans la direction de la ligue Odébi. Devant le tribunal, l'avocat spécialisé dans les nouvelles technologies a donc soutenu que « Monsieur Lesage ne peut absolument pas être considéré comme Directeur de la publication, puisqu'il n'était chargé que de ses aspects techniques, de par ses connaissances en informatique, mais pas des contenus et publications du site. » Se faufilant dans la brèche, Me Olivier Itéanu a rappelé aussi aux juges que le texte litigieux avait été posté sans « fixation préalable ». C'est l'expression usuelle lorsqu'un texte est posté en direct ou sans faire l'objet de modération a priori. La jurisprudence issue notamment de la Cour d'appel de Montpellier du 30 avril 2009 indique justement que si « les messages incriminés sont diffusés en direct, sans lecture préalable par le propriétaire du site, (…) seuls les auteurs des messages, et à défaut le producteur, peuvent être poursuivis en qualité d'auteurs des infractions. » Enfin, l'article 93-3 de la Loi du 29 juillet 1982 engage la responsabilité du directeur de la publication « s'il est établi qu'il n'avait pas effectivement connaissance du message avant sa mise en ligne ou si, dès le moment où il en a eu connaissance, il a agi promptement pour retirer ce message ». Or, selon les pièces du dossier que nous avons pu consulter, le déroulement chronologique des faits était dans tous les cas favorable au mis en cause : il n'a eu connaissance de l'article, non après une demande de retrait, mais lors de sa convocation par la police le 6 avril 2011. Or à cette date, l'article initial avait été retiré depuis courant 2010. Nous attendons publication de la décision, qui prend parfois beaucoup de temps au pénal. Elle permettra de jauger la motivation retenue par les juges. Précisons enfin que le jugement est susceptible d'appel dans un délai de 10 jours à compter de son prononcé, vendredi 2 mai.

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